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                      • CHRONIQUE LOCALE.                         493
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    La musique du 14 de ligne accompagnait les hardis voyageurs.
 Confiant dans les puissantes machines du Creuzot et dans ce cable
 qui est à lui seul une curiosité, on s'appelait, on s'invitait, on se
 félicitait du grand événement. La Société Chorale du Bon-Pasteur
 alternant avec la musique militaire, donnait une couleur toute
particulière au voyage ; à chaque ascension, à chaque descente,
 nouveaux chants, nouvelle musique, nouveaux applaudissements.
 Malgré la pluie, malgré l'orage, tous les visages étaient heureux
 de ce beau succès ; on voyait déjà Perrache uni à Sathonay, Lyon
 à Bourg ; on prenait part au triomphe de la Compagnie et, la
joie aidant, la cérémonie officielle était devenue tout à fait une
fête de famille.
    — Ce mot nous fait penser à une réunion presque aussi nom-
breuse, mais plus intime qui, avait eu lieu huit jours auparavant,
 dans le Dauphiné, à une faible distance de Lyon et qui nous avait
laissé aussi de profonds souvenirs par son caractère d'empresse-
ment, de cordialité, de bienveillance et de grandeur. Est-il permis
de soulever les voiles de la vie intérieure ? d'amener le public
devantle foyer sacré, siprofané de notre temps par les romanciers,
 si pur et si intact encore au fond de nos provinces ? qu'on me
 pardonne si je suis indiscret, mais qu'on me laisse, pour une
fois, raconter une solennité qui a eu tant de témoins, dire des
 coutumes et des usages qui malheureusement se perdent de plus
 en plus.
    Il y a huit jours, un jeune époux, un fils unique, amenait une
jeune et gracieuse compagne sous le toit paternel. Le chef de la
famille, magistrat intègre et indépendant, assis naguère sur le
siège illustre de Servan , avait réuni ses amis ; c'est dire qu'une
foule nombreuse encombrait la cour du château et que tout le
village stationnait autour de la porte d'entrée. Lyon et Grenoble
avaient fourni la plus grosse part du contingent. Des magistrats,
des propriétaires, des industriels, des savants, des artistes,
d'élégantes et belles jeunes femmes, de ravissantes jeunes filles,
des enfants enivrés de mouvement et de bruit attendaient avec
impatience l'équipage ; les boites signalent son approche, les cris
de la foule le saluent ; aux premières maisons du village, le couple
descend et fait son entrée escorté de la jeunesse du pays ; là se
passe une scène touchante et qui nous rappelle les plus doux sou-
venirs des temps passés.
    Sous les arcs de triomphe et les guirlandes de fleurs, une
petite table avait été dressée. Les époux s'avancent, le chef de la
famille salue la nouvelle venue, l'embrasse et lui offre le vin de
l'hospitalité.
    La jeune femme, souriante et émue, heurte son verre à celui
qui lui est tendu, puis, maîtresse à son tour, salue la foule et
offre des dragées à ceux à qui désormais elle doit faire ses hon-
neurs.