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LES VILLEROY. 97 Ces occasions étaient rares et difficiles ; le crédit du maré- chal était inattaquable. 1 n'y avait qu'un côté faible dans sa 1 position. Nous aurions peine a le deviner sans le témoignage de ses contemporains. Oui, Messieurs, la naissance du ma- réchal était aux yeux de la cour une condition d'infériorité. Ce n'était pas assez qu'il fût par sa mère le petit-fils d'un maréchal de France , l'arrière petit-fils d'un connétable ; ce n'était pas assez que son père eût été aussi maréchal ; son aïeul gouverneur de province , ambassadeur distingué ; son bisaïeul, ministre influent et même célèbre. Il lui manquait le prestige d'une origine chevaleresque, et cet avantage, rien ne pouvait le lui donner. Nous sommes loin de ce temps, mais sous Louis XIV, le point de vue d'où se jugeaient ces questions était bien différent. Aussi, quand le troisième duc de Villeroy épousa la charmante mademoiselle de Louvois, l'archevêque de Reims, oncle de la jeune mariée, ne craignit pas de dire a sa nièce : « Vous allez être du- chesse comme votre sœur aînée (femme d'un La Rochefou- cault, duc de la Roche-Guyon), mais n'allez pas croire que vous soyez pareilles, car je vous avertis que votre mari ne serait pas bon pour être page de voire beau-frère. » Le duc de Gesvres fut,plus amer, lui qui, au moins, acceptait fran- chement son origine plébéienne, et certes il avait bien cal- culé la portée du trait qu'il s'apprêtait a lancer, le jour où, dans un salon de Marly plein de courtisans, il rappela si plaisamment au maréchal que ses ancêtres avaient vendu de la marée (1) ! Tout cela était puéril, avouons-le, pour un siècle qui a mérité le surnom de grand. Mais les chances de la guerre devaient fournir aux ennemis du maréchal des armes plus sérieuses. Nous ne suivrons pas Villeroy dans les campagnes qui ont entouré sa mémoire d'une (1) Saint-Simon, t. II, p. 354. 7