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I DEUX POÈTES PROVENÇAUX. 4<Ã9 au nez fortement aquilin, au sourire fin et bienveillant, qu'elle ne l'est dans ses vers. Après l'échange de quelques politesses, nous prîmes la liberté de le complimenter sur son récent mariage. Que voulez-vous ! nous répondit-il simplement : « Nous a>ons tous trop chanté les filles du pays pour ne pas être taxés d'inconséquence, si nous fussions allé chercher femme ailleurs. » Il nous fît part ensuite de ses projets. Il était for- tement préoccupé, pour le moment, d'arracher deux hémi- nées d'oliviers qui s'étalaient à nos pieds sur des pentes exposées au soleil du midi, afin de les remplacer par des vignes de Tokay, dont le produit ne devait pas être vendu, mais bien consacré exclusivement à accueillir ses amis et ses confrères, car nous l'avons dit, jamais amitié ne fut plus profonde que celle qui unit entre eux tous les poètes de Provence. Nous nous sommes étendu sur cette visite parce que le pays et la personne de notre poète font comprendre non- seulement sa poésie à lui, mais encore celle de tous les au- tres Provençaux. Pour aimer ces vers il faut aimer ce paj's : ceux à qui l'un ne dirait rien ne comprendraient pas les autres. Il ne faudrait pas croire que la bonhomie de M. Mathieu exclue un art profond, une recherche patiente. Loin de là , M.-Mathieu, en vrai fils des races méridionales^ a le sens plastique très-développé, très-cultivé. On ne trouvera ja- mais chez lui ces incohérences, ces notes hors du ton, ces platitudes qui, à côté d'expressions fortes et vraies, blessent le sens et l'oreille dans tel poète rustique que nous pour- rions nommer. Non, il est amoureux de la forme, il la ca- resse, il fait entrer la muse dans cette étroite tunique de lin, où le corps se moule comme le sein de la femme de Pompéi dans la cendre du Vésuve. Il n'est pas moins expert dans le langage français : rien de plus artistement travaillé que la traduction française qui accompagne le texte pro- vençal. M. Mathieu ressemble sous ce rapport à M. Mis-