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M. CHEN4SMJRD. 397
de la mode ; elle subit peu ces engouements qui marquent,
dans les lettres ou dans les arts, la prédominance passagère
et quelquefois regrettable d'un certain goût et de certaines
formes. Elle est, en un mot, classique, conservatrice. Elle
est un peu moins de son temps, un peu plus de tous les
temps ; moins ardente et plus sage ; plus calme dans ses
préférences et aussi plus fidèle, n'admettant qu'avec réserve
les modèles proposés par l'admiration d'un jour et mainte-
nant son culte indépendant pour ceux qu'a consacrés l'ad-
miration des siècles.
Tel est le rôle de la province dans le fonctionnement des
forces qui constituent l'unité intellectuelle de la France ;
rôle secondaire si l'on veut, mais nécessaire a la discipline
du goût. Aux époques d'éclectisme, où l'autorité des règles
s'affaiblit pour laisser le champ plus libre à l'imagination et
au caprice ; où la fantaisie s'épuise en combinaisons plus ou
moins ingénieuses pour varier les formes de l'art ; où elle
cherche souvent, en dehors des principes éternels du beau,
les moyens de plaire par des conceptions étranges et tour-
mentées à des esprits qui ont perdu le sentiment du simple
et du vrai, il est bon de rencontrer quelque part le respect
de la tradition, le goût classique, ce je ne sais quoi d'un peu
timide, si l'on veut, mais de tempéré, de sobre, d'élégamment
correct qu'on est convenu, en art, d'appeler les saines doc-
trines.
Ces réflexions me ramènent a M. Chenavard, dont les
conceptions s'y rattachentpar un lien si intime. Nous sommes
précisément en présence d'un de ces esprits rares, d'une de
ces natures délicates et choisies qui ayant reçu l'impression
élevée du beau et comme une certaine empreinte de l'idéal,
la conservent dans sa pureté inaltérée. Le beau pour cer-
taines âmes , c'est cette vision merveilleuse- dont parle
Platon, et dont elles gardent toujours le souvenir, M. Che-