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LE CHATEAU DE CARILLAN. 388 Un incident, qui se produisit à quelques jours de là , chassa tous |es doutes de mon esprit, sans fixer pourtant encore mes sentiments. Un matin, j'étais a ma fenêtre, el mademoiselle Marguerite arrivait à son balcon, quand j'aperçus ma sœur qui, du côté opposé de la rue, et par conséquent sans que son amie pût la voir , me souhaitais le bonjour d'un signe de tête. J'y ré- pondis par un sourire aussi gracieux qu'il me fût possible et que j'accompagnai d'un geste affectueux de la main. Aussitôt, je vis mademoiselle Laval, honteuse et rougissante, se retirer en m'adressant un regard de reproche. Une telle erreur de la part de cette belle jeune fille m'émut profondément. Un autre sentiment que la curiosité dirigeait donc évidem- ment ses regards sur mon asile de travail. J'en avais mainte- nant une preuve éclatante. Si elle n'eût été prévenue, com- ment lui eût-il semblé possible, qu'après l'avoir vue trois mois comme une inconnue, je me départisse subitement de mon indifférence el pusse manquer à la réserve dont elle semblait me donner une muette mais touchante leçon? Sa rougeur, son embarras, le charme de ses yeux pleins de larmes, sa fuite précipitée qui ne lui avait point permis de voir rentrer ma sœur, tous ces signes étaient pleins d'une élo- quence devant laquelle je ne pouvais plus douter. J'étais aimé! je me voyais accorder ce que je n'avais point sollicité, ce dont bien d'autres peut-être eussent été jaloux. Mes sentiments ne changeaient point cependant et je n'éprou- vais qu'un grand embarras. Je me sentais confus de la mé- prise de mademoiselle Laval, et ne savais guère quelle con- duite tenir dorénavant à son égard. Devais-je me rapprocher d'elle maintenant pour lui expli- quer ce qui l'avait trompée? Rien n'était plus simple et plus facile, à la vérité. Mais devant cette démarche, je reculai. 25