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                   LE CHATEAU DE CARILLAN.                  377

 que j'aie été terrible et implacable, que je vous aie dit qu'il
 y aurait du sang entre nous : j'ai absolument besoin, au
 moins chaque année, d'une petite rencontre de ce genre pour
 raviver mes amitiés et augmenter la longanimité de mes
 créanciers. Pour donner plus de sel à l'aventure et en faire
 les publicistes friands, j'ai toujours soin de choisir quelque
 circonstance particulière qui la rende piquante. Votre qua-
lité de Français et .votre jeunesse m'ont paru très convena-
bles pour mon duel de cette année. Merci du service que
vous m'avez rendu !
    Cette rencontre fut le point de départ d'une grande amitié
de lord Naughty pour moi, sentiment que corrobora la perle
de quelques guinées abandonnées par moi de la meilleure
grâce. Cette liaison agrandit le cercle de mes relations, sans
en changer la nature. Le chiffre de mes ressources, l'occupa-
tion de la filature que je n'oubliai jamais complètement, fu-
rent les seules raisons que je sus écouter et qui m'empêchè-
rent de faire trop de folies.
    Ainsi s'écoulèrent les quatre années que j'ai passées en
Angleterre. Je n'insiste pas sur l'histoire de ce temps perdu
dont tous les jours inutiles se succédèrent, sans m'apporter
aucune science, aucune expérience, si ce n'est peut-être la
lassitude d'une vie absurde, sentiment qui me préparait à
devenir sage.
    Quand je rentrai dans ma petite ville, j'y fus un peu reçu
en enfant prodigue. Il ne fut guère bruit pendant un mois
que de mon retour et des sottes dépenses que j'avais faites
en Angleterre. Toutefois, comme on est juste dans ces pe-
tites villes que l'on dit si méchantes, l'opinion qui m'avait
été fort défavorable fut moins d'un mois à changer sur mon
compte.
   Peut-être aussi un changement plus grand s'opérait-il en
nioi-même. La réprobation publique au sujet de ma naïve