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378 LE CHATEAU DE CARILLAN. dissipation m'avait d'abord beaucoup étonné. J'en cherchai la cause el je m'aperçus que je m'étais conduit comme un jeune fou, sans aucune idée de ma dignité personnelle et du prix de mon temps. Les reproches amicaux, les sages conseils de quelques amis de mon père m'ouvrirent les yeux davan- tage encore. Enfin, l'isolement dans lequel je me trouvais, outre qu'il me privait des sollicitations que j'avais rencon- trées ailleurs, me poussa à chercher une distraction dans le travail, la seule chose peut-être dont je n'eusse pas abusé. J'avais commencé presque dès mon arrivée à changer d'idées, peu à peu je modifiai complètement ma conduite. La curiosité publique me confinant chez mon père, je ne sor- tais plus guère de la filature que pour passer dans l'apparte- ment qui m'avait été donné tout auprès. Ce petit logement se terminait par un pavillon élevé, sorte d'observatoire où je m'installai indifféremment, auquel je pris peu à peu un goût singulier. Je n'y eus d'abord que des pipes, el je fis dresser une étagère pour ma collection qui était riche de souvenirs. Bientôt, las de rêver sans plaisir à une existence qui n'avait rien encore présenté de saillant, de bon ni d'utile, ce que je comprenais mieux de jour en jour , j'éprouvai le besoin de prendre un livre, tandis que je fumais. La lecture, la lecture sérieuse dont je n'avais pas encore idée, me procura plus qu'une distraction : c'était une vraie jouissance. Sans doute, mon esprit était alors bien disposé, comme une terre à rece- voir la semence en temps opportun. La semence fructifia. Bientôt, je couvris ma table de livres et je sentis l'absence et l'utilité d'une bibliothèque pour m'éviler l'encombrement. On ne trouvait malheureusement que fort peu de place dans mon cabinel. L'ouvrier que j'avais appelé pour disposer le meuble devenu nécessaire, me proposa le sacri- fice de mon râtelier à pipes... J'y consentis; il fui descellé. Debout sur mon balcon, je considérais cette curieuse collée-