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NICOLAS BERGASSE. 357 Bergasse dans son discours de FHôtel-de-Yille , étaient vengées par de hautes disgrâces ; l'ère des réformes s'éla- borait sous l'impulsion de Malesherbes et de Turgol. Avec un jeune prince bon, honnête, travailleur, ouvert par les meil- leurs côtés-de son cœur et de sa raison aux influences nou- velles, avec une reine en qui la beauté et la grandeur s'alliaient aux qualités les plus généreuses, quelle popularité ne pouvait se promettre le nouveau règne? C'était le moment où Voltaire, arrivé au bout de sa longue carrière, écrivait à Mme d'Epinay ; « Si Louis XVI continue, il ne sera plus question du siècle de Louis XIV ; heureux ceux qui ont vingt ans et qui goûteront les douceurs de son règne ! » Bergasse, Messieurs, était du nombre de ces heureux qui devaient goûter les douceurs des dernières années du siècle de Voltaire. A son arrivée à Paris, il vit tomber, à un mois d'intervalle, les deux rois de l'opinion, l'un dans l'ivresse d'un dernier triomphe de théâtre, l'autre dans le mystère inexpliqué d'une mort tragique et solitaire comme sa vie. En disparaissant de l'horizon, ces deux astres y laissaient, dans la trace de leur lumière, les premières flammes de l'in- cendie qui allait tout dévorer. Le fameux refrain qui a fait sourire nos pères : C'est la faute de Voltaire, C'est la faute de Rousseau, n'est que la vérité historique mise en chanson. Le dix-huitième siècle pourrait être représenté comme un Janus à deux faces, dont l'une aurait le rictus du railleur de Ferney, l'autre, la sombre exaltation du rêveur de Genève. Hélas! ni l'une ni l'autre n'annonçait la paix aux inquiètes générations qui re- cueillaient leurs oracles. Aussi bien n'est-ce pas la paix qu'on demandait alors. La guerre était dans l'air -, on ne rêvait que réformes philosophiques, innovations généreuses, recons- tructions impossibles après de formidables destructions; on