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358                   NICOLAS BERGASSE.

démolissait chaque jour une société vieillie et gorgée d'abus,
mais pour la rebâtir dans les nuages. Comme ces ballons
qu'on venait d'inventer et qui se perdaient sans direction
dans les airs, l'esprit du temps montait d'un essor impétueux
vers l'idéal el s'égarait en de brillantes divagations. La pers-
pective de l'égalité naturelle ouverte tout à coup devant un
peuple échappé d'hier à la domination féodale en se réfu-
giant sous le sceptre de la monarchie absolue, n'y avait-il pas
là de quoi exalter les meilleures têtes et aveugler les plus
fermes regards? Comme il arrive à toutes les époques mar-
quées pour de suprêmes bouleversements, l'opposition s'en
prenait à la forme sociale plutôt qu'au gouvernement lui-
même. Aussi ne s'appelait-elle pas l'opposition, elle s'appelait
la philosophie, et régnait sur la France comme le Vésuve
règne sur la campagne de Naples, sans se douter ni de la
puissance de destruction ni de la vertu fécondante qu'elle
cachait dans sesflancs.Qu'importait, je le demande, à l'hom-
me primitif des philosophes, qu'on nous montrait errant, libre
et solitaire dans le monde inhabité, se nourrissant de fruits
cueillis dans les bois, se désaltérant au premier ruisseau, s'a-
brilant au fond des cavernes, qu'importait, dis-je, à cet être
inouï, fantastique, impossible, de savoir qui était roi, prince
 ou ministre? Le gouvernement n'eût-il pas semblé bien
 malavisé de se croire intéressé en de si chimériques hypo-
 thèses ? On rêvait, on raisonnait, on déclamait par-dessus sa
 tête, et lui-même regardait passer le météore sans se douter
 qu'un choc fût possible à une si énorme distance.
   Pendant que la politique remontait ainsi jusqu'aux sources
de l'absolu, la science tentait d'envahir le domaine de l'in-
fini. Retrouver le texte du prétendu contrat social, proclamer
les principes oubliés de la théorie des gouvernements et des
lois, ce n'était pas assez : on aspirait à découvrir la loi d'har-
monie universelle qui règle le mouvement de la vie dans