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356 NICOLAS BERGASSE. s'était tenu jusque là . L'avocat-général au parlement de Grenoble n'en écrivit pas moins au lieutenant-général de notre sénéchaussée pour le féliciter sur ses hautes inspira- lions et son grand slyie. L'honnête magistrat lyonnais con- fessa sans détour qu'il avait dans ses bureaux un petit se- crétaire qui annonçait de grandes dispositions pour le style oratoire. Ce petit secrétaire, vous l'avez deviné, n'était autre que Nicolas Bergasse ; et l'on put désormais vanter sa pré- coce éloquence sans accuser sa discrétion, car on l'avait vu à l'audience applaudissant gravement ses propres périodes dans la bouche de son patron. Désigné dès lors à toute la faveur de ses compatriotes, le jeune orateur du présidial et de l'Hôtel-de-Vi!le rêva la célé- brité et ne tarda pas à partir pour Paris, qui était déjà en possession de la décerner à l'exclusion de la province. Grand et décisif moment, Messieurs, que ce dernier quart du dix-huitième siècle où l'on entrait alors ! Cette période de vingt-cinq années, où la Providence devait entasser tant d'événements inouïs et funestes, commençait par une idylle. Le 10 mai 1774, Louis XVI et Marie-Antoinette, jeune couple innocent des longues ignominies de la Régence et du règne qui en était sorti, avaient succédé à Louis XV aux applaudissements de la France et de l'Europe. On dit qu'en apprenant la mort de leur aïeul qui les appelait à la couronne, ce roi et cette reine de vingt ans tombèrent à genoux en s'é- criant : « Mon Dieu , protégez-nous , nous régnons trop jeunes ! » Premier cri d'angoisse au pied du trône que les infortunées victimes de la Terreur durent se rappeler quelques années plus tard au pied de l'échafaud ! En attendant, la juslice refleurissait dans l'administration, l'honnêteté dans la vie sociale ; les anciens parlements remontaient sur leurs sièges livrés par le chancelier Maupeou à des magistrats de coups d'Etat; les mœurs publiques, comme l'avait osé dire