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                          NICOLAS BERGASSE.                       355

fait de crimes ! Langlade, Lebrun, Calas, Sirven, Montbailly,
chacun de ces innocents condamnés venait de subir la peine
d'un forfait presque aussi chimérique par son atrocité que
par l'erreur reconnue de l'accusation. Mais si le juge doit se
méfier des entraînements de la prévention dans les causes
dites célèbres, combien plus encore dans les causes de tous
les jours, quand le crime se présente à lui sous sa livrée
ordinaire de misère et de honte ! 11 est curieux, à ce propos,
d'entendre un magistrat de l'ancien temps se permettre des
accents qui ne pourraient être répétés de nos jours sans être
 taxés au moins d'imprudence. « Ecoutez la voix du pauvre,
s'écriait le lieutenant-général de la sénéchaussée de Lyon en
 1773, ayez pour lui quelque pitié. Qu'a-t-elle fait pour moi
 celte société qui se venge cruellement aujourd'hui ? La haine
 du vice est facile sans doute à ceux qui, dans des conditions
 plus heureuses, n'ont pas à redouter les conseils affreux de la
 nécessité. Mais moi que l'opinion publique avilit, moi que le
 puissant, moi que le riche écrasent du poids de leur orgueil ou
 de leur fortune, hélas ! à moins qu'une providence particu-
 lière ne me soutienne, qu'ai-je à faire bien souvent qu'à
 choisir entre les actions criminelles vers lesquelles une dé-
 sespérante destinée m'entraîne ?.., »
  Cette fois les applaudissements des Lyonnais allèrent re-
tentir au-delà du ressort du présidial. Servan, alors au début
de sa renommée, et donl le nom devait être évoqué avec
éclat, quatre-vingt-huit ans plus tard , dans l'audience de
rentrée de la Cour souveraine qui a remplacé le présidial (1),
Servan les entendit de Grenoble, et trouva même que le ton
des deux dernières mercuriales de son confrère de Lyon
semblait être un peu au-dessus de la note dans laquelle il

   (1) Discours de rentrée, prononcé en novembre 1861, par M. Merville,
premier avocat-général.