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LA GUERRE. Ni l'aigrette ondoyante ou la pourpre du chef. Il est venu, sachant que l'airain et l'ivoire N'éterniseront point sa vulgaire mémoire, Qu'il pourra mille fois s'égaler aux héros, Sans qu'animant pour lui le marbre de Paros, Polyclète ou Myron, dans sa ville nalale , Elèvent sa statue, image triomphale ; Il le sait, et se bat ; et, dans son fier maintien, L'obscur soldat est grand comme un Olympien. Et lorsque le roi passe, il le vise, il l'ajuste; Et le pieu, balancé par sa droite robuste, Frappe au but. Le roi tombe en arrière ; ses pieds Se prennent dans les traits des chevaux effrayés ; Et de son front glacé le diadème roule, Le diadème d'or qui planait sur la foule, Hier objet de crainte, et plus vain aujourd'hui Que le cerceau léger qui bondit et qui fuit, Chassé par un enfant sur l'aire du rivage. Ah ! qu'il est vrai le mot tant répété du sage, Que nul mortel ne sait, avant son dernier jour, S'il mérita des dieux ou la haine ou l'amour. Le combat a cessé. — Mais le pieu, verte tige, Ne s'égarera point, car un Dieu le dirige. Après avoir frappé la poitrine du roi, Avec bruit, dans le sol qui tressaille d'effroi Il s'enfonce ; et la terre, attentive nourrice, Lui prodigue aussitôt une sève propice ; Et cette sève au sang dont il est tiède encor Se mêle, et, dans ce champ engraissé par la mort, Le pieu devient un arbre ; il vit, et chaque aurore, Chaque printemps :iovweau de festons le décore, Et, d'année en année, il élève, il étend Son ombre, vaste nuit qui recouvre un arpent. Or, quelque jour, les fils de ceux qui, pleins de haine, Mouraient en forcenés dans cette même plaine, Sous l'arbre aux grands rameaux maintenant confondus. Echangent les serments par le Styx entendus.