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LES VILLEROY. 95 l'autorité absolue dans ses mains n'était pas regrettable, parce que c'étaient des mains intelligentes et fermes. Il était craint, mais il était respecté, et Massillon a pu dire de lui dans son oraison funèbre : « Je loue un homme juste et droit, simple dans le mal et prudent dans le bien. » En 1693, Lyon tout entier lui rendit les derniers devoirs. Il y avait près de huit ans que son frère le maréchal était mort, laissant un fils déjà très-connu a la cour où malheu- reusement il ne borna pas ses exploits. Ce fils qui aurait bien dû se contenter du surnom de Charmant, ce favori des grandes dames, c'est encore un gouverneur de Lyon, c'est le trop fameux maréchal de Villeroy, le guerrier qui, au retour de ses campagnes, a été si souvent chamarré de chansons (l'expression est de Madame de Coulanges). Ses débuts dans le monde avaient fait sensation; sa beauté, son élégance avaient tourné plus d'une tête, mais ce n'est pas ici, chacun le comprendra, qu'il est permis de soulever le coin du voile qui recouvre ses intrigues galantes et de mettre en scène la comtesse de Soissons, la duchesse de Roquelaure, Madame de Ventadour et tant d'autres. Atteignons rapidement l'épo- que où il joua autre chose qu'un rôle de salon. En 1693, pour s'être distingué à Nerwinde, il obtint le bâton de maré- chal de France. Remarquons en passant que Tourville, Bouf- flers et Catinat étaient de la même promotion. Le nom de Villeroy fait un étrange contraste avec ceux qui précèdent, mais Louis XIV était son ami. et cette amitié tenait de l'en- gouement. Villeroy, du reste, avait hérité de son père l'art suprême de flatter son maître ; il ne se montra jamais plus habile courtisan que pendant la campagne de Flandres (1695) où les fautes inconcevables du duc du Maine firent perdre au maréchal une victoire assurée sans que Louis XIV pût sur- prendre sur ses lèvres une parole d'amertume. La faveur de Villeroy était a son comble. Les bienfaits du monarque pieu-