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490                 M. VICTOR DE LAPRADE.

grâce à cet auxiliaire puissant , il semble être entré en plus
pleine possession des facultés qui font le grand poète. L'éloge
peut paraître étrange ; il peut, dis-je , paraître étrange qu'on
admire unécrivain pour ce mérile si naturel et si simple de rester
dans le cours d'un ouvrage , semblable a lui-même , d'être à
la fin tel qu'il s'est montré d'abord. Mon Dieu oui ! on n'eût
pas songé autrefois à écrire de telles admirations ; on eût re-
culé devant la perspective du ridicule; nous pouvons les ex-
primer sans crainte aujourd'hui. La plupart de nos écrivains,
de nos poètes surtout, s'inquiètent assez peu à la fin d'un
livre de ce qu'a été le milieu, de ce qu'a pu être le commen-
cement. Préoccupés au-dessus de tout de l'effet extérieur à
produire, et peu embarrassés par les convictions, ils inclinent
sans hésiter l'indépendance de la pensée devant le mécanisme
de l'expression , si bien que, traînée à la remorque de la
phrase, cette pauvre pensée devient ce qu'il plaît à Dieu.
D'autres, plus scrupuleux à cet endroit, marchent au milieu
île perpétuelles oscillations , parce qu'ils cherchent la vérité
ailleurs qu'à son immobile foyer. Peu sans doute ont ,
comme Fichte, la prétention de créer Dieu ; beaucoup pré-
tendent à créer la pensée et la parole de Dieu , à les plier ,
comme un objet personnel, aux raprices de leur volonté, et
ces tentatives d'une raison mobile et faillible, substituée à
la raison infaillible et éternelle , produisent ce balancement
de l'esprit, constant, sans équilibre , qui est mortel à l'unité
des Å“uvres.
    M. de Laprade ne s'est pas heurté â de tels écueils ; il s'est
placé, sans hésiter, au centre même de la vérité : Capitoli im-
mobile saxum. Son ouvrage n'est pas un commentaire poé-
tique plus ou moins contestable de l'Evangile ; c'est la re-
production aussi fidèle que possible de la parole divine , d'où
il extrait la pure essence de la foi catholique, avec la majesté de
ses dogmes, la sainte gravité de ses enseignements, la gran-