page suivante »
210 PLATON ET SAINT AUGUSTIN. bizarres ; il ne restera, j'en ai peur, qu'un subtil théologien au lieu d'un grand théologien. Ce que je dis de saint Augustin, je ne crains pas de le dire de tous les grands théologiens. Où sont en effet les grands théologiens qui n'aient pas été métaphysiciens, qui n'aient pas été plus ou moins platoniciens, péiïpatéticiens ou cartésiens V Telle était la conviction de Fénelon ; aussi répondait- il au cardinal de Noailles, lui reprochant de vouloir faire du chris- tianisme une école de métaphysiciens : « Tous les chrétiens, il est vrai, ne peuvent pas être métaphysiciens : mais les princi- paux théologiens ont grand besoin de l'être. C'est par une sublime métaphysique que saint Augustin est remonté aux premiers principes des vérités de la religion chrétienne contre les païens et les hérétiques. C'est par la sublimité de cette science qu'il s'est élevé au-dessus de la plupart des autres Pères qui étaient d'ailleurs parfaitement instruits de l'écriture et de la tradition. C'est par une haute métaphysique que saint Gré- goire de Nazianze a mérité par excellence le nom de théologien. C'est par la métaphysique que saint Anselme et saint Thomas ont été, dans les derniers siècles, de si grandes lumières (1). Ouvrez la Somme de saint Thomas et voyez qu'elle est la part, déterminée par saint Thomas lui-même, de la raison, de la mé- taphysique, d'Aristote et aussi de Platon par l'intermédiaire de saint Augustin. Je ne retranche rien, je n'ajoute rien, je m'en rapporte à saint Thomas lui-même, combien grande n'est pas cette part, même en regard de celle de la révélation ? Prenez les ouvrages théologiques de Bossuet, les Élévations sur les mystères , par exemple , et expurgez - les , s'il est possible , d'Aristote, de Descartes, de toute métaphysique. Quel vide n'y feriez-vous pas, et de quelle hauteur ne feriez-vous pas descen- dre Bossuet lui-même ! Puis-je nommer Bossuet sans rappeler que lui aussi a dit, comme saint Augustin, que Platon a divi- nement parlé ? Il ne faudrait pas même croire que la philosophie n'a rien à (1) Histoire littéraire de Fénelon, par l'abbé Gosselin, p. 238, 1 vol. in-8. Paris, 1843.