page suivante »
516 TROIS MOIS AU-DELA DES ALPES. tous ces squelettes allaient recouvrer la voix et la vie et je croyais entendre cette immense rumeur de 150,000 Romains qui applaudissaient aux rugissements des bêtes sauvages et aux cris déchirants des chrétiens leurs victimes. A la place de cette sanglante mélopée nous n'entendions en réalité que les cris monotones et lugubres de' quelque oiseau des ténèbres qui avait établi en ces lieux son nid et ses nocturnes amours et les frémissements du vent qui soufflait par légères rafales à travers les arceaux que la nature avait couverts de lierre à la place du velarium antique. Au Forum, ces fragments de portiques soutenus par des chapiteaux et des colonnes tremblantes, ces énormes blocs de pierres, semés ça et la sur le sol, formaient dans leur en- sembletoutle pittoresque, tout le grandiose de ruines ravagées par des géants. Le pèle mêle, le désordre de tant de violentes destructions, le silence qui pèse sur elles comme un second linceul, le sinistre éclat de la lune qui crée, avec ses capri- cieuses lueurs, tour a tour des instruments de joie ou de supplices, tout, dans ces lieux déserts, évoque le mélancoli- que souvenir du passage de la vie : on sent que sous cette terre grossière dort un peuple de héros. Les colossales statues de Castor et de Pollux placées de chaque côté de l'entrée de la place du Capitole et retenant d'une main vigoureuse de fougueux coursiers, vous donnent un frisson involontaire. N'approchez qu'avec crainte, ce sont les gardes avancées du peuple roi, prêtes a reprendre les ar- mes comme au jour de ses conquêtes et de sa gloire. On ne saurait finir si l'on voulait essayer de rendre une à une toutes les émotions que suggèrent la vue de tant de ruines antiques, qui, pareilles a autant de fleurs moisson- nées par les âges, laissent encore émaner de leurs corolles flétries, le parfum des temps passés. Que dire de ce Panthéon si pur, si harmonieux de forme, de contour et qui