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                   M. VICTOR DE LAPRADE.                    489

 foi et d'amour ; c'est la tendresse filiale , c'est la douleur,
celle sainte douleur, source de tanl de nobles inspirations et
de bons désirs, par qui seule l'homme vaut tout ce qu'il
peut valoir, qui l'a avancé et affermi dans les voies chré-
 tiennes ; et ici, dans cette phase nouvelle de sa vie , le chré-
 tien s'est montré comme le poète , modeste, simple et fort,
sans ostentation et sans crainte.
    Mais en lisant avec attention les Poèmes évangéliques, on
n'y trouve pas seulement l'homme fortifié par le souvenir
d'augustes leçons et de saints exemples , on croit entrevoir
encore le penseur éclairé à la lueur sinistre et sanglante des
révolutions. M. de Laprade avait peut-êlre subi la séduction
de certains hommes et de certaines idées; il y avait eu, à
travers bien des exaltations fébriles, des entraînements sin-
cères: on avait rêvé le bonheur de l'homme, de la patrie ,
hélas ! en dehors des conditions propres h assurer le bon-
heur. On avait érigé des systèmes en croyances , préparé
l'aulel imaginaire des religions de l'avenir : — espérances sans
nom, formes indistinctes embrassées à vide, ombre de quel-
que chose : — poète, plus accessible que d'autres aux aspi-
rations généreuses, on avait aussi sacrifié peut-être au Dieu
inconnu , peut-être entrevu à l'horizon prochain le séduisant
mirage des beaux jours humanitaires : —je ne sais,—puis
soudain, dans une heure de déchirement suprême, le jour
s'est fait sur toutes ces nouveautés; le masque s'est brisé
sur la figure des voyans et des prophètes ; rêves, opinions,
systèmes, tout a croulé, et sur tous ces débris humains la
vérité seule est restée debout. M. de Laprade l'a reconnue ,
l'a saluée, l'a embrassée avec amour.
    Qu'il en soit loué! et déjà son œuvre même le loue. Il y a
toujours avantage pour le talent à se mettre du côté de la
vérité ; M. de Laprade y a gagné ce mérite , si rare aujour-
d'hui, de l'unité incontestable des senliments et de la pensée;