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PLATON ET SAINT AUGUSTIN. 205
je suis trompé, il résulte que je suis (\). Ne croirions-nous pas
entendre Descartes lui-même ? Et saint Augustin n'a-t-il pas
déjà , pour ainsi dire, sur les lèvres, le : je pense donc je suis ?
Ce n'est pas à dire cependant que Descartes ait été le plagiaire
de saint Augustin. J'incline fort à croire que Descartes n'a fait
que se rencontrer avec saint Augustin et qu'il n'a connu
qu'après coup les analogies de sa doctrine avec la sienne, quand
elles lui eurent été révélées par Arnauld. Que de rencontres de
ce genre entre les philosophes patriciens, pour parler comme
Cicéron, de tous les temps et de tous les lieux, c'est à dire entre
tous les grands philosophes de la famille idéaliste !
D'ailleurs saint Augustin eût-il directement inspiré Descartes,
et approché plus encore du je pense donc je suis, cela n'ôterait
rien à l'originalité de l'auteur du Discours de la Méthode et des
Méditations. En effet dans saint Augustin le je pense donc je suis
n'a pas la même portée que dans Descartes ; ce n'est qu'un argu-
ment décisif contre le scepticisme, et non la pierre angulaire
de tout un grand système, la première vérité sur laquelle toutes
les autres reposent. Pascal lui-même,qu'on ne peut soupçonnerde
favoriser Descartes aux dépens de saint Augustin , en porte ce
jugement : « En vérité, je suis bien éloigné de dire que Descar-
tes n'en soit pas le véritable auteur, quand il ne l'aurait appris
que dans la lecture de ce grand saint ; car je sais combien il 3' a
de la différence entre écrire un mot a l'aventure, sans y faire,
une réflexion plus longue et plus étendue, et apercevoir dans
ce mot une suite admirable de conséquences qui prouve la dis-
tinction des natures matérielles et spirituelles, et en faire un
principe ferme et soutenu d'une physique entière , comme
Deseartes a prétendu faire (2). »
Mais il ne servirait de rien de rentrer en soi-même si ce n'était
pour s'attacher aux idées pures de la raison et s'élever par elles jus-
qu'à l'être véritable et jusqu'à Dieu. Ainsi fait Platon,et saint Augus-
tin s'envole avec lui dans la région des idées. Nous retrouvons en
(1) Cité de Bien, liv. xi, 26.
(2) De l'esprit ijéimiétrUfue.