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TROIS MOIS AU-DELA DES ALPES. 5| ! italien et montées par deux postillons en grand uniforme , avec le chiffre armorié du souverain pontife, et tout ce train, s'il vous plaît, pour nous faire payer la buona mano à chaque relai. Comme complément nous emmenions avec nous un conducteur responsable de nos têtes. De Civita-Veechia à Rome, on voyage continuellement au milieu d'une plaine immense, inculte, n'ayant pour rompre les monotonies de sa solitude et de sa stérilité que la vue de la Méditerranée et du château des Calperni. En vain mon- tez-vous sur un des nombreux monticules qui se succèdent de distance en distance , comme les lames houleuses d'un océan immobile et sans rivage ; votre œil s'égare dans une sorte d'infini d'un vert grisâtre et terne qui l'attriste et l'élève naturellement vers le ciel pour y trouver une place où il sera mieux assis. Mais ce repos vous est impitoyablement refusé, au milieu des solennités de cette double immensité de la terre et du ciel, excepté lorsque, aux approches de la nuit, votre regard se dirige vers une de ces étoiles à la- quelle nous attribuons à tort ou a raison une secrète in- fluence sur la destinée de ceux qui nous sont chers. Quoi qu'il en soit, durant le cours de votre longue marche, vous ne pouvez remarquer que trois ou quatre misérables mé- tairies d'où sortent des groupes de figures pâles et tristes, minées par les fièvres de la mal'aria. Ça et là quelques bouquets de ronces, des ruines d'aqueducs, un pâtre et son troupeau de chèvres. L'a, rien ne peut distraire la pensée ou réjouir le cœur par quelques-unes de ces douces impressions qu'inspire le riant aspect d'une nature^ accidentée. Malgré toutes les désolations de cet incomparable désert, l'artiste et le chrétien regretteraient de voir la ville éternelle environ- née d'une ceinture de jardins bien alignés et bien cultivés ou de machines dont le perpétuel mouvement troublerait toutes les pieuses harmonies de ce silence et de cette méditation.