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480 M. VICTOR »E LAPRADE. Va dans l'aire de l'aigle et l'autre des lions, Dans les grottes des sphinx, qui pour l'homme sont closes, Te nourrir, ô géant, de la moelle des choses ! J'ai regret à troubler les myslères de la bonne déesse et surtout à me trouver ici en complet désaccord avec M. de Laprade sur la mission du poète, mais i! faut le dire comme je le pense : non le poète n'est pas fait pour vivre et combattre dans le désert, pour s'absorber dans l'inutile amour de la na- ture, pour abriter, à l'ombre des grands bois, des rêveries sté- riles et solitaires, pour s'enfermer dans les grottes des sphinx, closes ou inaccessibles au vulgaire : hélas ! beaucoup de nos poêles se sont trop enlrelenus avec le sphinx ; et, dans leurs vers qui appellent un traducteur, ils en ont reproduit fidèlement l'impénétrable pensée. Pas davantage ce n'est le temps de se reprendre aux jours antiques pour relever les images des dieux olympiens et les statues brisées des Cané- phores. Dans nos jours si troublés, que d'autres choses plus vénérables ont croulé, qu'il importe de rétablir sur leurs bases restaurées et élargies ! Laissons la Grèce symboliser et entou- rer d'attributs divins ses joies, ses terreurs, ses espérances, ses moissons; laissons Rome, noyée dans les voluptés, dire analhôme à qui pourrait les Iroubler: l'Odi profanum de- vait convenir à de telles époques ; il ne peut convenir à la nôtre: c'est le mot du poète païen. Le poète chrétien, le grand et vrai poète comme M. de Laprade, a d'antres aspirations, d'autres devoirs, une autre mission. Sa place est au milieu delà foule, avec les hommes, pour les purifier dans une atmosphère de foi et d'amour, pour les charmer, les consoler et les instruire. Je disais lout-à -f heure que la poésie était l'art d'émouvoir; elle est bien cela, mais elle est autre chose aussi; elle est la raison ornée par l'imagination et le rhylhme, elle est l'expression de ce que l'homme a de plus intime et de plus divin dans la pensée , elle est l'accent des nobles et saintes passions, des amours perdus, des irré-