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                   M. VICTOR DE LAPRADE.                      479

tentes, peu accentuées, mais réelles pourtant, semblent se
révéler dans les principes chrétiens de l'auteur. La répulsion
pour l'homme est plus vive, l'identification avec la nature,
plus profonde, si profonde que l'abus se fait à l'instant sentir ;
et que le poète, en dépit de ses efforts pour se maintenir dans
une sphère supérieure, arrive évidemment au Panthéisme,
sinon comme doctrine, au moins comme sentiment. Rien
n'indique mieux la situation d'esprit de M. de Laprade que
la pièce, d'ailleurs si belle, intitulée : Anthèe, placée à
l'entrée du volume comme pour y marquer, qu'il me per-
mette de le dire, celte évolution rétrograde de sa pensée,
dessinée sous une triple image : — la nature entourée d'attri-
buts maternels et divins, — l'amour passionné du désert, —
la fuite exagérée de l'homme :
  Premier né de la terre, hôte des bois antiques,
  Où l'aigle parle avec les aigles prophétiques,
  Toi qu'entre ses lions et ses sphinx aux grands yeux
  Cybèle a de son lait nourri sur les hauts lieux,
  0 poète, ô géant à l'étroit dans les rilles,
  Coursier impatient des entraves civiles,
  Contre l'homme et ses Dieux ta vie est un combat,
  Et l'Hercule vulgaire est iier quand il t'abat
  Mais sitôt que, touchant la terre maternelle,
  Ta poitrine meurtrie a palpité contre elle,
  Que ta bouche, appliquée à son sein toujours vert,
  A bu dans une fleur la sève du désert,
  Sitôt que la nature, avec toi seule à seule,
  Baise ton front saignant de ses lèvres d'aïeule,
  O prodige ! ton corps se dresse et, rajeuni,
  Dans tes veines tu sens circuler l'infini...
  Ta mère t'a vêtu d'une armure céleste ;
  Rapide, tu brandis tes poings couverts du ceste...
  Puisque ainsi, créatrice à chaque embrassement,
  La nature te fait revivre en un moment,
  Puisqu'elle t'a livré le secret de ta force,
  D'un ennemi rusé, poète, fuis l'amorce.
  Quand tu veux résister à notre âge d'airain
  Combats dans le désert: c'est là ton vrai terrain...
  Donc, reste pour livrer ces batailles si rudes,
  Plongé dans la nature, ô fils des solitudes !
  Suis ses divins conseils qu'ici nous oublions;