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470 M. VICTOR DE LAPIUDË. temps comme un écho lointain de celte admirable poésie. A côté de cet indice d'un esprit littéraire nouveau, il y avait, pour l'école poétique, un type unique et multiple, ébauché dans ses premiers délinéaments par Rousseau et Bernardin de Saint Pierre, complété par Byron, Goethe, Sénancourt, Chateaubriand. La France applaudissait a toutes ces tenta- tives, a tous ces épanouissements de l'art renaissant ; et elle encourageait les auteurs. Temps heureux où une nation est assez en possession d'elle-même pour admirer les beaux vers , et en solliciter l'éclosion avec une sorte d'impatience ! Rara temporum felicitate... Toutefois, en se rattachant par de nombreux côtés à Wer- ther, à René, à Obermann, à Child'Harold, l'école poétique était restée profondément spiritualiste et chrétienne. Dans ce sentiment maintenu avec fermeté elle puise ses meilleures, ses plus nobles inspirations; elle a des Muses que les anciens n'ont pas connues, la Foi, l'Amour chaste, la Mélancolie, la Liberté -, elle rend à la poésie son caractère propre, ses vibra- tions intimes qui ont des échos pour le cœur et de saintes émotions pour les entrailles, il parlar chê ne IP anima si sente; elle répudie le panthéisme et le rationalisme, idoles abattues alors, relevées plus tard ; elle peut errer dans certains dé- tails, mais les grandes lignes sont chrétiennes ; elle n'offense ni Dieu, ni l'autorité, ni les mœurs, ni rien de ce qui mérite le respect des peuples ; c'est là ce qui lui donne une sorte d'accent contemporain, particulier, que la postérité ne mé- connaîtra pas : ce fut à son apparition une des causes de ses succès ; ce sera dans l'avenir son impérissable honneur. Malheureusement dans cette voie si noblement ouverte les maîtres défaillirent et les imitateurs vinrent. Dépourvus de véritable inspiration religieuse et poétique et n'aspirant qu'au succès, impatients de se faire un nom , d'arriver à la gloire ou à la fortune au moyen de quelque surprise hardie,