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   M. VICTOR DE LAPRADE.



   La poésie a traversé depuis trente-cinq ans bien des phases
successives et contraires. Ceux qui ont aimé et cultivé les let-
tres ne se reportent pas sans quelque émotion à celte brillante
époque de 1820 et des quelques années qui suivirent. Alors
apparaissait toute une pléiade de poètes, réaction et protes-
tation vivantes contre cette poésie de l'empire, sèche , sans
enirailles, droite et alignée comme un régiment, si contraire
au génie poétique français, et dont Esménard avait longtemps
paru la plus éclatante personnification. Que de noms juste-
ment célèbres alors, et que le public a trop oubliés, ou qui se sont
oubliés et abandonnés eux-mêmes ! Lamartine, Hugo , Sou-
met, Guiraud, Delavigne, Chônedollé , de Vigny, Emile
Deschamps, tant d'autres encore ! Jamais le champ poétique
de la France n'avait donné plus de fleurs et plus de fruits,
plus d'éblouissantes espérances et plus de magnifiques réa-
lités. J'insiste sur ce dernier mol : car ce phénomène nous a
été offert de poètes en grand nombre ouvrant , du premier
coup, leur meilleure veine, et restés toute leur vie inférieurs
à leurs premiers essais.
    M. Delaloitche venait d'éditer les œuvres d'André Chénier,
et sans dédaigner tant de beaux vers sculptés dans la forme
antique avec la pureté de ses lignes et ses ciselures infinies ,
la France réservait ses admirations pour la Jeune Captive, et
l'on peut retrouver dans plus d'une effusion lyrique du