Revue du Lyonnais » série 2 - n°6 ( 1853 ) » pp.507

                    UNE VISITE AU TOMBEAU DE JACÛUARD.                                             507
         Voilà les maraîchers arrivant des faubourgs,
        Les grands quais, le coteau surmonté de ses tours,
         Son versant plein de grâce où la vitreflamboie-,
         Il semble avec le jour réverbérer la joie.
        Et plus loin, c'est Perrache et la houille en monceaux ;
        C'est le gaz, les wagons ; c'est le bruit des marteaux
         Façonnant la chaudière en l'atelier sonore ;
        C'est le Rhône splendide aux clartés de l'aurore,
        Des glaciers paternels, en son sein reflétés,
        Gardant l'âpre fraîcheur et les tons argentés ;
         Son flot ennoblit tout ; le moindre coin de terre
        S'empreint, touché par lui, d'une grandeur austère ;
         C'est enfin, près de moi, le tumulte d'un port,
        Les immenses bateaux fumant le long du bord ;
        Déjà, prêts à partir, ils retournent leurs proues,
        J'entends sonner dans l'eau la palette des roues,
        Je suis leur blanc sillage et leur panache noir,
        Et pour couronnement les Alpes se font voir.


       Alors ému, ravi devant ce paysage,
       Évoquant de Jacquard la pensée et l'image,
       Je me dis,: est-ce à moi d'aller sur son tombeau
       Redresser son laurier ? en sera -t—il plus beau ?

à ses cartons, à la pédale, l'ouvrier TIREUR PE LACS a été supprimé. Contraste piquant et instructif .'
il y a trois siècles , Dangon était honoré et récompensé pour avoir ajouté un ou deux ouvriers à
l'ancien métier, at de nos jours Jacquard est glorieux pour avoir supprimé ces mêmes ouvriers. Tout»
la différence entre l'industrie ancienne, et l'industrie moderne apparaît dans ce simple rapproche-
ment. Pour l'instruction des personnes étrangères à la fabrique, nous dirons en passant que dans
l'ancien métier l'assemblage des cordes horizontales s'appelait le RAME, et l'assemblage des cordes
verticales le SAMPLE.

  Au point de vue moral, Jacquard est une des figures les plus vénérables qui se puissent voir. Son
désintéressement absolu, son calme, sa bonté, l'ignorance de son propre génie, la charité ardente qui
le mit sur la voie de sa découverte, la spontanéité scientifique si vive en lui , sa patience que rien
ne lassa, sa fin si simple et si chrétienne, ses vertus de citoyen égales à son génie, tout cela le place
à côté d'Ampère et de Ballanche. Et qu'on ne s'en étonne pas '. l'illustre Ballanche a consacré la
fin de sa vie à des expériences mécaniques, ce qui prouve que toutes les muses sont sœurs.
  Afin de finir, nous appellerons au lecteur que la médaille d'or obtenue par cet éloge en vers de
Jacquard est due à la munificence de M. Matthieu Bonanafous, qui a si bien défini notre illustre
compatriote : Un homme de bien et de génie.