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372 ÉTUDE SUR BLAISE PASCAL. n'a pas compris, ou il a mal compris ; pour s'expliquer, il prend la parole et oppose alors la tradition aux théories nouvelles, saint Augustin à Escobar, les Pères à la Sorbonne, l'esprit à la lettre, ou, amenant ensemble tous ses adversaires, les em- barrasse les uns par les autres, les met en contradiction malgré leur alliance, et ne leur permet de la renouer qu'aux dépens de la justice et de la vérité. Quand l'action est finie et que les masques sont levés, il change de ton tout à fait, il tonne, il s'indigne et prononce d'une voix sévère la moralité de la pièce. Les Jésuites sont condamnés comme calomniateurs, les Tho- mistes comme pusillanimes, les Jansénistes, seuls éclairés et sincères, sont seuls absous et glorifiés. Les Pensées n'ont pas de forme, ce sont des fragments , ce sont des débris, mais des débris qui étonnent comme ceux des monuments romains. Le style en est fort, superbe, élevé, coloré, en un mot éloquent. Deux caractères le distinguent surtout qui portent encore plus que les autres l'empreinte de l'à me de Pascal, et qui justifient tous nos commentaires, je veux dire le calme et la grandeur. Mais un calme particulier, sous lequel perce la souffrance , mais une grandeur où le génie a sa part, mais où l'éternité qui approche a aussi la sienne, et qui effraie, qui trouble, et dans laquelle l'esprit se perd. Avec tous ces mérites, ie style des Pensées n'a eu jusqu'à pré- sent d'autre résultat que celui de provoquer l'admiration, et de former, comme tous les chefs d'œuvre, le goût et le génie des écrivains. Celui des Provinciales, au contraire, semblerait en avoir eu d'extraordinaires, et sans précédents dans l'his- toire. Mais je crains bien qu'à l'examen tous ces résultats ne s'évanouissent. Les Provinciales n'ont pu servir de modèle à Bossuet, qui d'ailleurs était de tous les hommes le moins fait pour imiter; les dernières lettres ont du sérieux, et de la chaleur, mais le sérieux n'est pas du sublime, et la chaleur n'est que du zèle. Les Provinciales n'ont pu servir de mo- dèle à Molière. Avant elles, avaient paru Rabelais, Marot, Régnier, et la Satire Ménippée, où l'on trouve de la gaîté, du mordant, du naturel, des caractères, tout ce qui compose la