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312                        PÉLOPOAÈSE.
 dont les lettres fantastiques sont profondément creuses et quel-
 quefois empreintes d'une couleur rouge, ternie par le temps et
le grand air ; le tout, couronné d'une pierre triangulaire or-
 née de sculptures sur ses arêtes extérieures ; de chaque côté de
 la fontaine, on remarque presque toujours deux cyprès qui pal-
 pitent au plus léger vent et dressent leur forme régulière et mé-
 lancolique. Ces fontaines sont situées à l'entrée des villages,
 ou carrefour des chemins, ou le long de quelque route difficile ,
 à l'endroit où le voyageur altéré a le plus besoin de leur onde ;
hommes et chevaux s'y abreuvent avec délices. Si elles sont taries,
comme il arrive le plus souvent, elles invitent du moins le pas-
 sant à s'arrêter, à s'asseoir sur le bord de leur coupe vide , à
contempler le paysage et à rêver un instant. Chose étrange, ces
monuments de fraîcheur et de paix sont presque les seuls que
les Grecs aient conservés de leurs sauvages oppresseurs ! En les
 voyant, on oublie le règne sanglant de ceux dont elle marque
le passage , pour ne songer qu'aux scènes voluptueuses et aux
mélancoliques épisodes de la vie orientale.
    De Kriavrisis à Vourlia, qui est le village le plus rapproché
de Sparte qu'on puisse atteindre avant la nuit, la route traverse
plusieurs paysages si différents les uns des autres, qu'il semble
surprenant que, sous le môme climat la nature puisse offrir tant
de contrastes en un espace aussi restreint. Il faut franchir
d'abord une plaine assez vaste, bordée de basses collines et
couverte d'oliviers, les uns naissants, les autres séculaires. Des
troncs récemment abattus, d'autres, calcinés par des feux de
bergers , des ornières creusées dans le sable fin répandu sur
le sol en couches épaisses * attestaient seuls que les hommes
avaient passé par là avant nous. Au sortir de cette plaine , un
ravin rapide descend dans un étroit vallon, comblé de pierres
mouvantes et concassées, qui semblent y avoir été transportées
à dessein pour combler un abîme ; pas uhe touffe d'herbe ne
parait sur la surface rouge du terrain ; les rayons du soleil dar-
dent sans obstacle dans ce gouffre immense, et y concentrent
une chaleur accablante. A mon grand étonnement, mon guide
nous fit franchir au galop cet espace brûlant comme le brasier