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                   ÉTUDE SUR BLA.ISE V.VSCAL.                   283
 la maladie, une vie de savant et de religieux. Mais, toute simple
qu'elle est, elle eut une influence immense sur son esprit ; les
circonstances obscures qui la composent correspondent exacte-
ment à ses travaux intellectuels, et semblent les produire,
comme les arrêter. Doué d'un génie universel, il est d'abord
tourné vers les sciences par l'exemple de son père, celui des
 savants qui l'entourent et l'ardeur scientifique qui se manifeste
autour de lui. Passionné pour les seienees , il est violemment
arraché à leurs travaux par la maladie qui le fixe un moment
dans le monde , afin qu'il ait le loisir d'observer les hommes et
de les connaître. L'accident du pont de Neuilly le détache du
monde, des plaisirs, comme du savoir humain , et le jette dans
les bras de la religion pour diriger son génie vers la philosophie
et la morale. L'incident du jansénisme lui met la plume à la
main et lui fait écrire les Provinciales. Mais la maladie est le
fait dominant dé cette vie , celui autour duquel se groupent tous
les autres. Sans elle Pascal n'eût pas quitté la science et connu
le monde, n'eût pas quitté le monde et connu Port-Royal ; la
meilleure partie de Pascal, le penseur, l'écrivain , l'homme reli-
gieux nous viennent de là.
   11 est difficile d'échapper à l'influence des circonstances, du
rang, de la fortune, du tempérament, des amis, des événe-
ments ; tout cela réuni modifie l'esprit et le caractère , les tour-
ne au bien ou au mal, à l'activité ou à l'impuissance, et fait
souvent de vous un tout autre homme que celui que Dieu avait
créé et que vous n'auriez voulu vous-même. Quelques-uns com-
battent le courant, et finissent par le surmonter, par réaliser
leur pensée en dépit des vents et des flots contraires , ceux-là
sont forts. D'autres sont assez forts pour résister , et pas assez
pour vaincre ; ceux-là au fond ne sont ni forts ni faibles, ils sont
malheureux. Les troisièmes , soit faiblesse, soit indifférence,
se laissent conduire, et sont heureux ou malheureux, grands ou
médiocres suivant le temps et la fortune ; Pascal est de ces der-
niers. 11 n'est point parvenu au bonheur, il est arrivé à la gloire
qu'il ne désirait point. Les souffrances mêmes qui troublèrent sa
vie furent une des voies qui l'y conduisirent, l'instrument puis-