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                    ÉTUDE SUR BLA1SE PASCAL.                      281
   est éclairée. C'est qu'elle constitue une puissance irrésistible,/
   quoique toute morale, qui tempère toujours le pouvoir, le pé-i
  nètre peu à peu, le renouvelle à la longue. C'est que, malgré )
  la dureté des temps et la sévérité des institutions, on ne doit
   désespérer de la liberté que quand cette action n'existe plus,
\ quand il n'y a plus d'opinion publique, que l'affaiblissement
   des mœurs et des croyances a détruit le lien des esprits, les ;
  •points de ralliement, les centres d'action, isolé les individus, f
 fmultiplié les théories et les points de vue, rendu les lumières \
! inutiles, et forcé la société incertaine et divisée à laisser au pre-
   mier homme doué d'un esprit hardi et d'une volonté forte le
   soin d'agir et de penser pour elle. Nous voilà bien loin de
  Jansénius et des Provinciales.
      Ces lettres si célèbres et qui portèrent aux Jésuites un si
  grand coup, Pascal les écrivit l'une après l'autre, à mesure
  que les objections s'élevèrent, les polit avec le même soin qu'un
  ouvrage de longue haleine, puis les lança dans le monde, sans
  même y mettre son nom. Pendant trois ans, il combattit dans
  un nuage, se plaisant à rester calme au milieu du tumulte, et
  à remuer tous les esprits du fond de sa retraite. Ses amis
  néanmoins ne furent pas si discrets, son nom courut bientôt
   et les applaudissements et les hommages lui revinrent de toutes
  parts. Il n'en fut pas plus désireux de prolonger le débat, et
  déposa la plume avec moins de peine qu'il ne l'avait prise. Il
  avait cru être utile en écrivant, on lui avait montré un but
  à atteindre, il avait écrit; le but était atteint, il cessait d'écrire,
  sans se soucier ni de sa gloire présente, ni de sa gloire future,
  sans importuner la renommée de ses œuvres, ni le public de
  sa personne, et reprenait paisiblement ses travaux interrompus.
      Il se remit à ce grand ouvrage philosophique qui le préoccupait
  depuis long temps. 11 n'en avait encore rien écrit, attendant,
  suivant son habitude, que non seulement le plan fût achevé,
  mais que le cadre des idées fût rempli et qu'il ne restât plus
  que le travail de l'écrivain, l'arrangement des phrases et les
  soins minutieux du style. Tout l'avait retardé , l'étendue de ce
  plan , ses souffrances qui devenaient chaque jour plus vives, ses