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274                ÉTUDE SU« BLAISE PASCAL.
  son esprit curieux et actif sollicité par de nouveaux objets
  s'exerça sur eux, travailla sur les pensées et les passions hu-
 maines comme il l'avait fait sur les lignes de la géométrie et les
 forces de la physique. Sans effort, presque sans dessein, il suivit
 les hommes-dans leurs plaisirs ou leurs affaires, au milieu des
 événements de la vie. Leur conduite, la direction de leurs
 actions fut le premier trait qui les peignit à ses yeux ; les opi-
 nions et les jugements vinrent donner un nouveau relief au
 tableau et marquer plus nettement la pensée qui les animait ;
enfin les signes extérieurs , les physionomies, les attitudes lui
révélèrent jusqu'à la moindre nuance des esprits et des carac-
 tères. Ainsi la nature humaine se découvrit à lui dans sa variété
comme dans son unité, et, sans y songer par une simple attention
de l'esprit portée sur un point nouveau, ce géomètre devint
moraliste.
     Les douceurs de cette vie nouvelle et du commerce des hommes,
les charmes de celte observation sans effort, de ce travail facile
qui se lie à tous les plaisirs et à toutes les habitudes de la vie,
:
  .c séduisirent, et il songeait à se fixer dans le monde et à se
marier, quand un accident vint mettre fin à tous ses projets. 11
passait sur le pont de Neuilly dans un carosse à quatre chevaux,
quand les premiers prirent le mors aux dents et se précipitèrent
dans la Seine ; heureusement les traits se rompirent, et la voi-
ture avec les chevaux de derrière resta en arrêt sur le précipice.
La commotion fut si violente, que son organisation nerveuse s'en
ressentit toujours ; le saisissement qu'il éprouva alors lui re-
venait souvent, et on le voyait encore frémir et se détourner de
l'abyme. 11 tomba depuis ce temps dans une langueur continuelle
qui le conduisit rapidement au tombeau.
    Mais cet accident eut aussi un contre-coup moral : dans l'é-
branlement général de son être, son âme fut comme réveillée en
sursaut, et, toute troublée, se replia sur elle-même. Elle vit alors
à une nouvelle lumière tout ce qui l'avait inquiétée et passionnée,
et entra dans une autre terreur qui n'était plus celle de la mort,
mais celle de l'éternité. L'événement qui lui arrivait lui parut un
avertissement du ciel ; il renonça à ses plans, à ses amis, au