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144 HISTOIRE DE LA PAPAUTÉ temps. Quelque soit d'ailleurs l'enchaînement des grands faits historiques , quelque lentes que puissent être les conséquences de certains événements , on ne peut oublier qu'il s'écoula juste un siècle entre le concile de Constance qui termina le grand schisme (en 1418) et l'affiche des premières propositions de Luther à Vittenberg (en 1517). Il faut avouer qu'en pareil cas la conclusion aurait eu quelque peine à sortir des pré- misses. Parmi les hérésies du XIVe siècle, il en est pourtant dont l'histoire présente le plus grand intérêt. Une des pages les plus curieuses de l'abbé Christophe est celle qu'il consacre au schisme de ces frères mineurs, désignés sous les noms de fratricelles ou de spirituels, qui soutenaient que le Christ avait condamné la propriété. Quand on examine, même en profane, les propositions de la plupart des hommes alors condamnés par l'église, et entr'aulresde Wiclef ou de Jean Huss, on est surpris étrangement non de leur hardiesse , comme beaucoup le disent ou le répètent, mais de leur extra- vagance et de leur danger. Quelque opinion que l'on ait dans ces matières délicates, il est impossible de ne pas prendre avec l'historien le parti de l'autorité, qui était aussi celui de la jus- tice et de la raison. II n'est pas douteux que l'église romaine et la papauté n'aient tout à gagner à ce que leurs décisions et leurs actes soient ainsi mis en lumière. Il y a pourtant dans l'histoire des hérésies et de leur répres- sion un écueil que les écrivains religieux n'ont pas toujours évité. Je veux parler des bûchers, élevés à Marseille contre les Fratricelles, et à Constance contre Jean HusS. À quoi bon chercher à les justifier? Qu'ils fassent dans les mœurs du moyen-âge, la chose est malheureusement trop vraie. Aussi, le seul reproche que l'on puisse faire à l'église de ce temps, est-il d'en avoir subi la nécessité et de ne pas avoir secoué ce reste de barbarie. Mais aller jusqu'à en prendre la défense,