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90                       A UN MORT.

  J'aimais cette raison puissante et familière ;
  J'avais en vous la force appuyant le conseil ;
. Car l'amitié du sage est comme le soleil,
  Elle a sa chaleur vive et sa douce lumière.

 Dans votre âme, ô penseur avant l'heure endormi,
 Pour l'âge des moissons germaient de grandes choses
 Vous abondiez de fleurs qui ne sont point écloses...
 Nul ne l'a su, peut-être, excepté votre ami.

 Vous aviez la sagesse et l'esprit d'harmonie ;
 Vous deviez les répandre et vous l'avez tenté,
 Poète mort dans l'ombre et sans avoir chanté !
 Mais Dieu fit pour lui seul votre amoureux génie.

 Et la mort vous a pris ! je vous ai plaint longtemps ;
 Le combat de la vie a ses heures de trêve;
 Vous aimiez nos soleils, nos grands bois où je rêve,
 Où nous allions tous deux respirer le printemps.

 Désormais un printemps plus sûr et plus paisible
 Exhale autour de vous ses parfums sans tarir,
 Vous couronne de fleurs que rien ne peut flétrir
 Et dévoile à vos yeux le soleil invisible.


 Entre nous tous c'est vous que Dieu prit en pitié !
 Du jour de votre mort ma jeunesse est finie ;
 Vous eussiez d'un autre âge écarté l'ironie
 Et préservé d'aigreur le miel de l'amitié.


 Dieu cueille ses élus dans leurs fraîches années.
 Vous avez emporté vos fleurs de l'âge d'or ;
 Vous aimiez, vous croyez, vous espériez encor,
 Vous n'aviez pas subi nos sinistres journées.