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                 EXPOSITION DES AMIS DES ARTS.                    77
M. Compte Calix a l'estime de quelques éditeurs et celle des mar-
chands de gravures ; mais il n'aura jamais celle du public véri-
tablement éclairé, et s'il arrive par de tels moyens à la fortune,
sa réputation n'y gagnera rien. Malgré cela, ou peut-être plutôt
à cause de cela, M. Compte Calix fait école. Mme Clémence Pen-
sotti, qui a intitulé au livret le Bouquet de déclaration, une
scène du Champi de George Sand, est presque aussi habile que
son maître. Sa paysanne n'est guère plus vraie, mais du moins le
parti pris de fausseté une fois admis, elle a réussi à peindre une ra-
vissantefigurede femme, et dont plus d'unebelle demoiselle serait
jalouse. Par exemple, son petit paysan, qui a vraiment l'air d'un
 Quasimodo rustique, fait bien de se sauver après avoir placé son
bouquet, car la muraille du fond est si hors d'aplomb et si peu
solide, qu'elle pourrait bien l'écraser s'il tardait trop longtemps.
M. de Heuvel, dans une autre Déclaration (costumes bretons), est
plus simple et surtout plus vrai, pourtant il l'est encore beaucoup
moins que M. Luminais. La Gourde du berger breton est une
véritable scène rustique , faite largement et empreinte au plus
haut degré de la naïveté de la nature campagnarde. L'ânier
( effet de crépuscule ) nous plaît beaucoup moins ; le terrain,
le ciel, les animaux, tout est de la même couleur ; c'est l'exagé-
ration de la vérité. Voulez-vous apprécier les déplorables effets
du réalisme en peinture, regardez les Journalières, coupeuses
de poils , par M. Rave, et dites s'il est possible, avec du talent,
de peindre quelque chose de plus désagréable et de plus laid?
Parce que nous ne pouvons pas admettre les paysannes en bas
de soie de M. Compte Calix , ce n'est pas à dire pour cela que
les coupeuses de poils de M. Rave nous plaisent le moins
du monde ; nous proscrivons le laid comme le faux, et nous
pensons qu'il y a mieux à faire qu'à s'inspirer d'une indus-
trie malpropre, pour nous en faire voir les procédés entre les
quatre murs d'un intérieur sordide et malheureux. Certes,
M. Courbet, le réaliste par excellence , peint encore mieux que
M. Rave, et pourtant ce qu'il peint est encore moins acceptable,
parce que ses tableaux sont plus grands.           Joannès GATJBIN.

     (La fin au prochain numéro).