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72 EXPOSITION DES AMIS DES ARTS. espagnole qui chante, accompagnée sur la guitare par une espèce de muletier. Si le temps et l'espace qui nous est accordé dans cette Revue nous le permettaient , combien nous aimerions à détailler avec soin cette perle de l'Exposition , à faire ressortir les perfections de cette toile si digne de l'auteur du Chasseur andaloux et des Cantonniers navarrais. Le Mot d'ordre, par M. Adolphe Leleux, est un tout autre sujet , mais qui a bien aussi sa valeur et sa signification. Qui ne se sent ému à l'aspect de cette patrouille d'hommes en haillons , à figures sinistres , montés sur des chevaux d'escadron, qu'ils gouvernent mal, et parcourant la ville armés jusqu'aux dents, en échan- geant le mot de passe avec un bandit à mine patibulaire. N'est- ce pas là du drame et du plus sérieux ? et comme on sent bien que Paris, endormi dans le brouillard d'une nuit funeste , est devenu la proie de ces démons à face humaine ! Par contre, M. Bouterweck s'est bien mal inspiré de son sujet en traduisant sur sa toile un fragment des poésies du grand Goethe : Pausias et sa maîtresse. Ce n'est assurémeut pas ici le cas de rappeler le vieil adage latin ut pictura poesis, car le peintre a bien malheureusement travesti le poète , quel poncif déplorable ! quel piètre sentiment de l'antique I et comme le païen sublime, s'il vivait encore, aurait à se courroucer justement d'avoir été si mal compris. Heureusement pour lui, M. Bouterweck est un artiste de talent; un jour ou l'autre il est homme à prendre , comme ^n dit, plus d'une revanche, nous le croyons assez en fonds pour cela. Et M. Henri de Chacaton ! est-ce bien le peintre de la Caravane entrant dans le désert, et de la Danse espagnole dans la cour d'une maison moresque, exposée par lui il y a deux ans, qui nous envoie cette année le Retour des Champs (bergers de la campagne de Rome !) Il faut que nous ayons vu son nom imprimé dans le livret au-dessus de ce double titre, pour croire que cette mauvaise ébauche est bien'réellement sortie de son atelier. Ou bien c'est quelque marchand de tableaux , embarrassé de cette toile , qui lui aura joué ce mauvais tour de l'exposer ici dans le fallacieux espoir déjà vendre, ou, s'il en était autrement, il faudrait convenir qu'il y a des peintres à Paris qui nous pren-