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LES TOURISTES A ROME. 45 Je ne veux pas faire la critique exclusive des Anglais. Hélas! nous autres Français, nous avons peut-êlre un peu moins d'originalité ; mais je crois en vérité que le touriste de notre nation est tout aussi ridicule , et beaucoup plus insupportable que l'Anglais. Le Français, en premier lieu, a la prétention de ne par- ler que sa langue, et lorsqu'un italien ne le comprend pas, il trouve cette ignorance souverainement absurde. Ne croyez pas que notre compatriote, parlant à un étranger, modérera la vélocité de sa parole et aura la patience d'attendre que son interlocuteur ait compris. Une fois, je rencontrai h l'hô- tel de la Minerve un jeune ménage français, très-élégant, très comme il faut, et qui se trouvait sur son départ. Le jeune homme parlait un peu vivement au concierge, qui, tout en connaissant parfaitement le français, avait un peu de peine à comprendre et à répondre. En effet, le susdit gentilhomme ne se gênait pas plus que s'il avait eu affaire à un Parisien et laissait à peine au pauvre diable le temps de la réflexion. Enfin, impatienté, il se tourne vers sa jeune femme et dit : c'est stupide, cet homme n'entend pas le français. Je demande quel était le plus ridicule des deux? Le Parisien surtout tombe toujours dans un ébahissement prolongé, quand on ne le comprend pas, lui qui a la prétention de donner le ton au monde entier. Si je mets en scène le Parisien spécialement, c'est qu'il est le type de la badauderie et de la fatuité na- tionales. Mais le provincial, s'il est moins fat, est tout aussi naïf. Si nos Français doutaient de l'usage universel de leur lan- gue, et si dans leurs paroles ils cherchaient à éliminer les expressions vulgaires, inconnues des dictionnaires, et percep- tibles seulement à des oreilles excessivement françaises, il y aurait de leur part'une certaine dose de raisonnement; mais beaucoup n'en sont pas môme arrivés a ce degré de science