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  pagnons d'Evandre avec le faste des contemporains d'Oc-
  tave, par la description du bouclier prophétique d'Enée, par
 les délibérations du Conseil des Dieux qui joignent les plus
 lointaines prévisions aux querelles actuelles, par les pro-
 messes que les divinités mêmes ennemies font aux descen-
 dants d'Iule. Il a accompli une œuvre pieuse en posant ainsi
 dans l'ordre originaire et sacré de la mythologie, cette Rome
 qui s'était si glorieusement établie dans l'ordre positif et
 politique de l'histoire; il a donné un gage éclatant aux pro-
 grès des siècles, et noblement concouru aux desseins ré-
 générateurs d'Auguste, en substituant l'intérêt même de
 l'Empire à celui que les héros troyens et latins ne pouvaient
 inspirer; il s'est montré disciple fidèle de la nature, en ap-
 pliquant ses lois au monde moral, et en faisant planer la
 pensée de la société au-dessus des passions de l'individu.
Mais ce que je dis à la louange de sa raison ne sert-il pas à
faire comprendre ce que son génie fut inhabile à exprimer
dans un endroit dont la fougue des héros et des combats
devait fournir les plus beaux ornements?
    Les mêmes motifs me paraissent montrer la supériorité
des six premiers livres de l'Enéide.Sans doute, l'Odyssée a un
charme particulier, inimitable, unique ; dans cette épopée de
la vie domestique, Homère touche merveilleusement les ressorts
les plus secrets des caractères humains ; il vous les fait connaître
par une foule de détails ravissants, mêlés à des aventures sans
fin ; il a une familiarité exquise, une grâce naturelle et par-
faite, une expérience complète et pourtant souriante que per-
sonne n'égalera jamais ; mais c'est dans le cercle restreint
de l'individu et dans les bornes de la terre qu'il déploie ces
dons admirables. Virgile s'est ou vert des horisons plus larges ;
c'est par des peintures plus grandes, par des sentiments plus
profonds, par des inventions plus mystérieuses qu'il remplit
la partie contemplative de son poème, et qu'il s'avance jusque