page suivante »
198 prendre l'amélioration qu'elle produira , se préoccupe de l'effet immédiat d'une dépense ; ainsi elle n'a ni collège , ni casernes ; pour hôtel-de-ville, un énorme amas de pierres, lourd, épais; monument qui traduit l'esprit local avec autant de vérité que les monuments du moyen-âge traduisent pour nous l'esprit des siècles auxquels on a donné ce nom; pour prison une sorte de barraque en maçonnerie grossière dans laquelle on entre comme dans une cave, humide, malsaine , mal aérée. Le dimanche, la population afflue dans les églises; pas une des cinq, dont les cloches ne cessent de sonner, n'est assez grande pour la foule qu'elle doit recevoir ; on s'y cou- doie, on s'y écrase, on n'y peut pas prier : ceux du moins qui, pour la prière, veulent du recueillement et du silence. Les jours ordinaires , les églises sont moins remplies, mais elles sont sales, mal tenues ; leur demi-jour est sans mystère; leurs nefs sont sans grandeur et sans dignité : c'est que, de la vie morale à la vie extérieure, tout se déduit avec consé- quence et tout s'enchaîne. Il y a dans Saint-Etienne plus de dévotion de formes que de convictions religieuses, et , peut être est-ce le résultat de la vie d'atelier, une crasse et profonde immoralité. Où l'on ne met ni dans le choix de ses occupations, ni dans le culte qu'on adresse à Dieu, ni dans les soins qu'on doit à la société dont on est membre , de l'intelligence et du goût, on n'en met point non plus dans ses plaisirs. Etranger à Saint-Etienne, après les occupations sérieuses, vous ne sa- vez où aller nfque faire; deux soirs de la semaine vous pourrez, par exemple, suivre quelques personnes dans une étroite rue qui va de la Place du Marché à la Place Royale. Près d'un café, qui, ailleurs, ne porterait que le nom decabaret, vous les verrez entrer dans une misérable allée devant laquelle se promène un soldat en faction ; chacune échange là sa pièce ou de quinze sous ou de quarante contre une carte mal-