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178 Vous que Dieu mène, et qui pénétrez plus avant, Quand mon esprit s'arrête aux choses relatives, Vous m'ouvrez tout-à coup de larges perspectives, Et dans l'abstrait lointain où vous seul avez lu Comme un noyau de feu me montrez l'absolu ! Quand j'écris, je ne sais,—tant l'un sent comme l'autre,— £i la page tracée est mon œuvre ou la vôtre. De ces vers fraternels je vous rends la moitié, Et sur l'humble fronton j'inscris notre amitié. Marchons unis toujours; la nuit tombe; nous sommes Des étrangers perdus dans la cité des hommes; Nous y parlons tout seuls une langue à nous deux, Et nous comprenons mal ce qu'ils disent entr'eux; Nous ne sommes pas faits aux chemins de traverse, Le but n'est pas le jmême où la route est diverse ; Si des noirs carrefours nous tentons les hasards, Nous serons sûrement écrasés par les chars. Veillons ! plus d'un assaut se prépare dans l'ombre ; Le présent est mauvais et l'avenir plus sombre, Plein d'outrages, d'effroi, de labeurs desséchants.... — Nous pourrons être heureux, si nous sommes méchants l Or, ô frère en douleurs, restons dans notre voie, Sans renier pourtant ni blasphémer la joie ; Il est même ici-bas des vestiges de Dieu, Et le monde meilleur parfois s'y montre un peu; Il est dans la tourmente, au bout de la mer triste, Un phare ardent et fixe allumé pour l'artiste ; Il verse des rayons pleins de sérénité... —Viens ! homme de désir, marchons vers la beauté !