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 un étrange oubli de lui-même, le droit compromette
 son existence, bien plus facilement encore s'altère le sou-
 venir du devoir. Souvent aussi ces deux notions qui s é-
 clairent l'une par l'autre dans les méditations des juris-
consultes, semblent s'obscurcir et se confondre lorsqu'el-
les descendent dans le commun des esprits. Qu'il nous
soit permis d'emprunter ici les paroles d'un magistrat dont
la voix est cbère à cette ville : « L'idée du droit, quand
elle domine trop nos délibérations, devient une mauvaise
règle... On agit conformément à l'opinion factice qu'on
s'est créée de son droit, au lieu d'agir conformément au
sentiment du devoir. On s'impose enfin un principe dange-
reux parce qu'on en est maître, loin d'en être esclave... (t)»
Souvent les consciences les plus sévères finissent par re-
pousser moins énergiquement les doutes complaisants que
l'intérêt propose. Alors se concluent ces traités secrets
où les scrupules sont sacrifiés au besoin, comme on dit, de
se faire à soi-même justice. Alors se résolvent ces com-
pensations clandestines, qui ne sont pas des larcins} ces
dissimulations silencieuses, qui ne sont pas le mensonge}
ces moyens indirects d'éluder une poursuite, qui ne sont
pas des fraudes, mais qui dérogent assurément à cette ex-
quise délicatesse, honneur chevaleresque des commerçants.
La loi seule, puissance lutélaire, vient au secours de notre
intégrité fragile, et par ses inflexibles arrêts, supplée à
l'infirmité des jugements humains. L'étude attentive de
ses dispositions y fera voir, non plus d'ai'bitraires for-
mules dont il est licite de s'affranchir, mais des limites
sacrées qui marquent le droit en deçà, le devoir au delà,


   (1) Discours sur le sentiment du devoir, par M. A Gilardin, substitut du pro-
cureur général près la cour royale de Lyon.