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Chez nous, il n'en est pas ainsi. Notre rhétorique fait partie
d'un cours d'éducation commune, elle ne doit pas être un ap-
prentissage spécial. Tous nos élèves ne seront pas députés
probablement; tous ne seront pas avocats, s'il plaît à Dieu;
mais tous devront être des hommes de sens, tous devront avoir
le goût du vrai, du beau ; tous devront nourrir dans leur ame
l'amour de la vertu, le dévouement à leur pays; tous devront
bien sentir, bien juger, ce qui est le principe du talent dans
l'écrivain, et de la dignité morale dans l'homme.
Yoilà donc le but de la rhétorique moderne clairement dé-
terminé : je vais essayer d'indiquer les moyens qu'elle em-
ploie pour y parvenir.
Buffon a dit un mot qu'on a répété bien souvent : le style
c'est l'homme. Mais il est une conséquence qu'on aurait dû en
tirer ; c'est que former le style n'est autre chose que former
l'homme. Si l'on ne peut obtenir un style sain que d'une saine
intelligence, perfectionner l'un, c'est donc développer l'autre.
Si le style n'est que la floraison de la pensée, on ne peut pro-
curer à la fleur tout son éclat, toute sa fraîcheur, sans donner
à la racine les soins qu'exige une parfaite végétation. Recueillir
de bons fruits, c'est posséder un bon arbre; obtenir un bon
style, c'est avoir formé un bon esprit. Donc apprendre à écrire
n'est autre chose qu'apprendre à penser.
Pour vous en convaincre, parcourons un instant les divers
degrés par lesquels nos élèves montent graduellement jus-
qu'à l'art d'écrire. Nous verrons comme partout y domine
celle belle et féconde idée du développement de l'intelligence;
comme partout on s'y propose inoins encore d'instruire
l'homme que de le faire.
Je dois parler d'abord même des plus jeunes enfants.
Car c'est du jour où, tout humides encore des baisers ma-
ternels, et des larmes d'une première séparation, ils vien-
nent, loin de leurs mères, apprendre à devenir dignes d'el-
les, c'est de ce jour que commence pour eux l'art d'écrire.
De ce jour, on commence à les initiera la grammaire, à celte