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47 Le genre didactique nous paraît grand et poétique, alors qu'à la poésie appartient la noble mission d'instruire les hom- mes ; toutes les fois qu'une vérité n'étant pas encore formu- lée par la science ne peut être saisie et communiquée que par cette intuition primitive qu'on nomme enthousiasme. Alors du fond de son sanctuaire, la poésie élève sa voix inspirée, et les hommes à genoux recueillent ses divins oracles. Il ne faut pas croire que ce phénomène n'appartienne qu'à l'en- fance des sociétés. Chaque époque a son éducation, chaque vérité a son crépuscule. Le siècle d'Horace, où la société ro- maine tombait de caducité, voyait lui-même quelques vérités poindre à l'horizon de sa pensée. L'égalité des hommes de- vant Dieu, que le christianisme allait populariser par ses di- vins enseignements, était déjà prêchée par l'enthousiasme du poète (1) : C'est pour la poésie didactique une vraie et noble mission ; mais qu'elle se traîne, humble esclave, sur les pas de la froide raison, qu'elle prétende broder un style recherché sur le fond sévère et pur de la science, c'est abdiquer son sacer- doce, c'est profaner sa parole. Le poète est le prophète de la perception spontanée : il s'abaisse et s'avilit quand il se met aux gages de la science. Quant au genre descriptif, il nous semble la plus complète aberration où puisse se perdre le talent poétique. On a dit, en abusant d'un vers d'Horace : La poésie est une peinture • mais on a méconnu les limites naturelles des deux arts. La poésie est une peinture successive; les signes qu'elle emploie ne se présentent que l'un après l'autre à l'esprit du lecteur. Or, vouloir rendre par des signes successifs des parties qui existent ensemble et que la nature a réunies dans le même objet, c'est se résoudre à en détruire l'harmonie, c'est-à -dire la beauté ; ce n'est plus peindre, c'est disséquer. Le poète (1) Regum timendorum in proprios grèges..,. Est ut viro vir latius ordinet.,..