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GRAND-THÉATRE. lx Ë MADEMOISELLE DE BELLE-ISLE, Comédie en S actes, par M. Alexandre Dumas. Nous savions combien M. Dumas avait perdu dans l'opinion publique , et avec quelle ardeur, on peut le dire, il avait prostitué le plus beau talent dra- matique de noire temps ; nous savions aussi que l'œuvre nouvelle avait été louée oulre mesure; cependant à côlé de ce singulier drame anecdotique que M. Dumas appelle une comédie, notre sévérité a été désarmée ; nos pré- ventions se sont dissipées devant celte verve égrillarde , cet esprit abondant et railleur, ce feu roulant de reparties ingénieuses et fines. Dans .M11* de Belle- Isle l'auteur ressuscite toute une époque ; et cette résurrection est faite avec •un art, avec un cynisme qui dénotent de précieuses ressources scéniques. Richelieu pose là en déshabillé, tour à tour , brillant, prodigue , débauché ; en un mot, il est l'expression la plus complète du siècle de Louis XV, ce siècle d'insouciance et de plaisirs, ce siècle de Voltaire et de laDubarry, comme on dit toujours. À côte de ce Richelieu qui ne dément point son caractère, qui doute de toutes les femmes ou ne croit à aucune ; à côté d'une madame de Brie, Richelieu en jupons, au milieu de ces mœurs de ruelles et de mauvais lieux, se trouve jetée, on ne sait comment, une jeune fille bien candide, bien ver- tueuse, qui vient implorer avec des larmes vraies la grâce de son père pri- sonnier à la Bastille. Celte donnée peint à elle seule les mœurs et les habitu- des d'un certain monde de ce temps-là . Il y a dans les éléments de l'œuvre nouvelle une comédie charmante, si l'on se laisse aller naïvement à toutes les invraisemblances que l'auteur s'est complu à accumuler. Malheureusement, la critique est là pour avertir qu'il ne faut pas croire à tous ces faux semblants, à toutes ces apparences trompeuses qui ne résistent pas au plus léger examen. D'abord où est la pièce ?... quel est son but? — Elle n'en a aucun. Est-ce une comédie d'intrigues? mais c'est justement l'in- trigue qui est vicieuse ; dès le principe elle pêche par la base. Ce d'Aubigny accepte un pari infâme; car Richelieu insulte celle qui va être la femme du jeune lieutenant des armées du roi. Ce pari, par cela seul qu'il jette un doute