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                               sas
   D'autres partagent l'histoire selon les dynasties, selon Ict
rois, selon les dates ; ils ne savent pas que bien rarement
une idée commence et finit avec un homme ou une génération.
Dans nos jardins, ce n'est pas le même soleil qui fait la fleur
et le fruit ; ainsi l'idée, née dans un temps, mûrira dans un
autre. Vous voyez bien qu'à la place du nom propre, il faut
voir et dire l'idée dominante : le nom propre, lui, n'ap-
prendra rien; on écrit un livre où tout s'arrange et se frac-
tionne avec une admirable facilité, avec une précision ma-
thématique, où les faits d'une époque sont séparés des faits
d'une autre époque, sans qu'on aperçoive entre eux la moin-
dre affinité, le moindre signe de parenté, et ils sont peut-
être les fils d'une même mère, et vous appellerez cela de
l'histoire?
   Je cite un exemple : on s'imagine quelquefois avoir claire-
ment divisé l'histoire de France, quand on a nommé les
trois races de nos rois, c'est une erreur : quelle idée nou-
velle Pépin fit-il monter avec lui sur le pouvoir des Méro-
vingiens. Il y avait cent ans ans que les descendants de Clo-
vis ne régnaient plus, est-ce une date bien féconde que l'a-
vènement au trône de Capet ? Charles-le-Chauve en procla-
mant l'hérédité des fiefs, avait frappé au cœur la royauté
Carlovingienne; il n'y a donc dans toutes ces divisions que de
pures réminiscences chronologiques absolument insignifian-
tes : après cela, rapetissant l'histoire aux mesquines propor-
tions d'une biographie^ on raconte longuement la vie plus
ou moins belle, plus ou moins scandaleuse de chaque mo-
narque, mais est-ce là tout? Mais ils vivaient donc seuls F
Mais il régnaient donc vos rois sur un désert? Quoi vous
ne voyez qu'un homme, là où fourmillaient des millions
d'hommes, et le peuple donc, et les communes, et la vie in-
térieure de la chaumière, et ses douleurs et ses souffrances
infinies, et le travail de la pensée dans l'intelligence brute du
vilain^ et les efforts séculaires qu'il a fallu pour écraser l'es-
prii de castes, pour faire triompher les idées chrétiennes de