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commotion qui bouleversa la société jusques dans les fonde-
ments, s'est prolongée ébranlant tout, renversant tout. En vain
sur ces mouvantes ruines a-t-ou tenté mille essais de recons-
truction : chaque édifice nouveau s'est écroulé à moitié bâti.
Doctrines sociales, doctrines philosophiques, systèmes politi-
ques^ systèmes littéraires, systèmes religieux, tout ou presque
tout a été balayé par le vent de la destruction. Que sont deve-
nues les théories fameuses des St-Simon et des Lamennais,
les systèmes des Fourier et des Owen, les religions de l'abbé
Chalel et de tant d'autres qui se proclamaient les hiérophan-
tes et les initiateurs d'une société nouvelle? Météores dans la
nuit, lesquels à peine allumés se sont éteints, laissant le monde
stupéfait au sein de ténèbres plus profondes. Que sont deve-
nus les défenseurs aveugles du classicisme et les fougueux
champions du romantisme ? A côté des débris d'Aristote, d'Ho-
race et de Boileau, gisent les débris de leurs destructeurs. Et
les géants de la philosophie, Kant, Fichte, Hegel, Schelling,
eux qui exaltèrent si haut nos jeunes espérances, où en sont-
ils? hekantisme est tombé ; la théorie delà science, tombée ; et
au travers de ces deux cadavres s'est étendu l'immense cada-
vre de la philosophie de la nature : désolant spectacle sur le-
quel est venue rire une jeunesse sceptique et railleuse.
    Hommes de 1839, nous marchons sur des ruines ou à l'om-
bre d'édifices lézardés et menaçant ruines. Si vous distinguez ,
ici, une jeune philosophie à qui l'avenir appartient, parce
qu'elle est humble et en harmonie avec la nature, les facultés
et les moyens départis par le créateur à l'homme; là, une
vieille religion inébranlable comme un roc, parce qu'ayant ses
racines en Dieu, les vagues et le nuage fulminants peuvent
l'envelopper, mais l'entamer, jamais ; partout ailleurs trône
un colossal scepticisme : scepticisme non plus orgueilleux
comme au siècle dernier, mais triste, abattu, ennuyé de lui-
même , ne sachant où se prendre, où s'accrocher. La société
 toute entière semble un voyageur perdu dans les forêts, lequel
 s'agite vainement à trouver sa route.