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kraine, ou, penseur au front courbé, remuant du pied les feuilles
sèches dans les forêts du Rhin. Ahasvérus est aussi l'homme
dans ses contrastes avec la femme représentée dans le poème
par Rachel ; tous les deux réalisent l'opposition du doute et
de la foi, l'amour du réel et l'ambition de l'inconnu se donnant
la main pour aller tomber ensemble aux pieds de Dieu dans le
grand jour du jugement. A cette heure suprême ouïe drame
se dénoue dans la mystique Josaphat, toutes les créatures
comparaissent devant l'infini ; la terre est sauvée parce quelle
a cru, la femme parce qu'elle a aimé ; Ahasvérus, réconcilié
avec Dieu ne s'abîme pas encore en lui ; l'activité humaine
reste distincte de l'absorbante unité, et par une voie désormais
moins douloureuse elle poursuit sa course à travers d'autres
mondes.
    Les idées recelées dans le mystère d'Ahasvérus sont si abon-
dantes et si complexes qu'il faudrait une élude spécialement
consacrée à ce livre pour essayer de les dégager de leur enve-
loppe symbolique; il faut ajouter aussi que souvent l'auteur
ne fait qu'aspirer, sans la rencontrer, vers la solution des dou-
tes qu'il soulève; comme son siècle, il se pose nettement toutes
lesqueslions, mais ne fait qu'entrevoir les réponses; comme lui
aussi il nourrit une foi pleine d'amour pour le dogme de l'as-
cension graduelle de l'humanité, c'est là l'idée consolante et
divine qui surnage radieusemeut sur ce qu'il y a d'obscur dans
son poème. C'est cette foi et cet amour qui vaudront à son
œuvre, comme à la création devant Dieu, son salut et sa gloire
 devant le tribunal de l'esprit humain. Il n'apparlient qu'aux
intelligences philosophiques de pénétrer dans le sanctuaire
mystique» d'Ahasvérus et d'apprécier toute la portée de l'œuvre
mais pour ceux-là même qui s'arrêtent à l'extérieur littéraire,
 il y a largement à admirer dans la composition eldans le style,
 un souffle lyrique du plus grand essor anime l'œuvre entière ;
 certaines scènes n'ont rien à envier aux belles scènes de
 Faust; la figure de Rachel a retenu quelque chose d'EIoa, d'Ab-
 foadona et de Marguerite.