Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                              351
ou en pierre., ni de ce marbre terne grisâtre en usage aujour-
d'hui ; tout cela est en marbre blanc et pur, en beau marbre
cararéen. Devant tant de riches matériaux les spéculateurs
se disent : que d'argent sacrifié ! Mais les hommes de cœur
s'écrient douloureusement : que d'œuvres avortées, que de
pensées perdues.
   Il nous semble voir encore le statuaire avec sa haute taille
et son front bruni au soleil d'Italie, se promener, souffrant,
le long des plates-bandes, jeter un triste regard autour de lui
et s'attendrir à l'idée de quitter le monde, alors que, débar-
rassé de tout obstacle, il se sentait capable des plus nobles
travaux. N'est-ce pas, en effet, une fatalité déplorable que de
combattre longtemps, que de triompher enfin , pour être,
aussitôt, couché dans le cercueil? Succomber au plus fort du
combat est une chute glorieuse ; mais tomber sous le dernier
trait de l'ennemi en fuite, c'est une cruelle dérision du sort.
    Chinard lutta courageusement contre la maladie qui l'en-
 traînait ; il ne se coucha que pour expirer, le 20 juin 1813.
D'autres talents, à Lyon, sont venus après le sien; tous lui
sont restés inférieurs, aucun n'a joui de la faveur populaire
qui l'entoura jusqu'à sa fin. Si vous rencontrez dans son pays
des vieillards courbés par l'âge, aux cheveux blanchis, au
front dépouillé, demandez-leur s'ils ont mémoire du statuaire:
quelques mots du langage pittoresque du peuple vous ap-
prendront à quel point son souvenir est vivace parmi les r e s -
tes d'une génération presque éteinte.
   Lemot, Bosio, Isabey, Gros, David, le peintre des Horace,
furent les amis de Chinard, qui fut aussi l'ami de Talma. Une
sympathie réciproque avait uni ces deux belles intelligences ;
elles ne cessèrent jamais de se comprendre. Plusieurs Aca-
démies ouvrirent leurs portes à l'artiste lyonnais ; une des
premières fut celle de Grenoble, lorsque l'intendant de cette
ville le chargea d'exécuter un monument au chevalierBayart.
  Il faisait partie des Académies de Lucques et de Piombino,
et l'Institut ne tarda point à se l'associer. Tous les arts lui