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343 traînait à terre, s'enroùlant autour de leurs pieds. Or, o n s'obstinait à voir dans cette disposition si naturelle un outrage à la bravoure des citadins. Nous voulons qu'ils aient la queue en trompette, s'écriaient les méconlents. Il fallut du temps et de la peine pour expliquer les obstacles qu'une ronde-bosse présentait à la réalisation d'un tel vœu. On y parvint, néan- moins, et fort heureusement, car le Rhône coulait à deux pas. Une autre fois, deux statues, la Renommée et la Victoire, avaient été élevées à l'entrée du pont Morand ; elles devinrent le motif de récriminations imprévues. C'est un traître que ce Chinard, s'écriaient encore les mêmes individus. Voyez, il a tourné la Renommée du côté de la Suisse pour faire signe aux émigrés d'accourir ! Elle les appelle à son de trompe, et la Victoire leur prépare des lauriers! Les républicains éclairés gémissaient de ces inepties, sans pouvoir en empêcher le retour. Mais, dans ces temps de fièvre chaude, où le moindre soupçon envoyait à l'échafaud, la raison était trop souvent impuissante, et le statuaire tremblait à chaque instant pour sa tête. Un jour vint, en effet, où le découragement s'empara de ses amis, Chinard avait non seulement été incarcéré, mais encore plongé dans la mauvaise cave. Il faut avoir vécu à Lyon; il faut avoir entendu parler les an- ciens de la ville pour comprendre l'horreur qu'inspirait cette affreuse caverne, réceptacle des victimes secrètementdévouées à la mort. Une fois là , tout espoir était perdu, tout rapport avec les vivants à jamais terminé. Il ne restait plus qu'à dire adieu en son aine, à ses amis, à ses parents, à tout ce qu'on chérissait sur la lerre. Et pourtant, la plupart des malheureux condamnés, s'abusant sur leur sort, nourrissaient encore des illusions. Chinard ne fut pas de ce n o m b r e ; mais, loin de se livrer à un inutile espoir, il se cramponna, pour ainsi dire, à l'espérance. Une idée originale, véritable inspiration d'un génie tulélaire, se glissa dans son esprit. Malgré la prohibi- tion qui frappait le numéraire au profit des assignats, les «.eus n'étaient pas moins qu'auparavant recherchés des geô-