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  de Munster, de Paderborn, étaient de véritables souverains.
  On leur payait le cens, les corvées, les péages, tous les droits
  de suzeraineté. Ces impôts étaient souvent bien pesants ; le
  peuple ne pouvait se libérer ; on employait la force pour l'y
  contraindre, et il murmurait.
     Un jour, à Schœndorf, en Bavière, un paysan, nommé
  Konrad, dit à ses camarades de venir le trouver le dimanche
  suivant pour rire et boire à pleins verres. Konrad était un
 franc buveur, sans souci de l'avenir, riant de tout, même de
  son curé. On fut exact au rendez-vous. Konrad était à cheval
  sur un large tonneau, la face enluminée par d'amples liba-
 tions vineuses qu'il avait faites avec ses voisins, suivant sa
 coutume. De son tonneau il faisait le prophète, et promettait
 à tous ceux qui voudraient être de sa confrérie des terres au
 pied de la montagne de la famine, des troupeaux dans le
 pâturage de la gueuserie, des viviers dans la mer de la men-
 dicité (1). L'association fut bientôt formée ; Konrad enrôla
 tous ceux qui aimaient à boire en cachette dès qu'ils avaient
 un groschen pour acheter du vin à l'abbé. En 1502, une con-
 frérie s'était déjà élevée, qui avait pris pour signe un soulier
 (Bundschuch), et avait été obligée de se dissoudre, de par
 ordre de l'empereur Maximilien.
    Konrad ne voulait pas faire la guerre à l'empereur, mais
rire, et ses armes étaient un tonneau. Chaque ville eut bien-
tôt ses confréries à l'instar de Schœndorf. On riait, on chan-
tait , on dansait, on s'enivrait : le pouvoir laissait faire.
    En 1514, le duc de Wurtemberg, qui comptait dans ses
états un grand nombre de confréries du tonneau, augmenta
l'impôt du vin. Konrad fit une vilaine moue d'abord, mais le
rire revint ensuite plus fort, et il se mit dans la tête (il avait
bu ce jour là plus que de coutume) d'appeler son maître en
jugement. Les assises devaient se tenir sur la place de Schœn-
dorf ; les juges étaient tout trouvés : c'étaient ses compagnons

  (1) Léon Golzan, Musée de la Caricature, 7e livraison*