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274 de Munster, de Paderborn, étaient de véritables souverains. On leur payait le cens, les corvées, les péages, tous les droits de suzeraineté. Ces impôts étaient souvent bien pesants ; le peuple ne pouvait se libérer ; on employait la force pour l'y contraindre, et il murmurait. Un jour, à Schœndorf, en Bavière, un paysan, nommé Konrad, dit à ses camarades de venir le trouver le dimanche suivant pour rire et boire à pleins verres. Konrad était un franc buveur, sans souci de l'avenir, riant de tout, même de son curé. On fut exact au rendez-vous. Konrad était à cheval sur un large tonneau, la face enluminée par d'amples liba- tions vineuses qu'il avait faites avec ses voisins, suivant sa coutume. De son tonneau il faisait le prophète, et promettait à tous ceux qui voudraient être de sa confrérie des terres au pied de la montagne de la famine, des troupeaux dans le pâturage de la gueuserie, des viviers dans la mer de la men- dicité (1). L'association fut bientôt formée ; Konrad enrôla tous ceux qui aimaient à boire en cachette dès qu'ils avaient un groschen pour acheter du vin à l'abbé. En 1502, une con- frérie s'était déjà élevée, qui avait pris pour signe un soulier (Bundschuch), et avait été obligée de se dissoudre, de par ordre de l'empereur Maximilien. Konrad ne voulait pas faire la guerre à l'empereur, mais rire, et ses armes étaient un tonneau. Chaque ville eut bien- tôt ses confréries à l'instar de Schœndorf. On riait, on chan- tait , on dansait, on s'enivrait : le pouvoir laissait faire. En 1514, le duc de Wurtemberg, qui comptait dans ses états un grand nombre de confréries du tonneau, augmenta l'impôt du vin. Konrad fit une vilaine moue d'abord, mais le rire revint ensuite plus fort, et il se mit dans la tête (il avait bu ce jour là plus que de coutume) d'appeler son maître en jugement. Les assises devaient se tenir sur la place de Schœn- dorf ; les juges étaient tout trouvés : c'étaient ses compagnons (1) Léon Golzan, Musée de la Caricature, 7e livraison*