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  La quête finie, la provision faite, on bâtit le caramenlrant.
On l'élève en pain de sucre. Sa base et sa hauteur témoignent
des largesses du quartier et lui font honneur.
   Aussitôt que la nuit tombe, comme Josué ou comme Ajax,
pour conjurer le Dieu de la lumière^ de la lumière qui fuit et
dont l'absence hâterait l'approche du lendemain, l'un des an-
ciens du quartier met le feu au caramentrant, au bruit de mille
cris des fanfares et des farandoles. C'esL un signal de bonheur,
c'est l'oubli de toutes les peines.
   Des hauteurs de Saint-Ennemond, des ruines du vieux châ-
teau fort, dont le squelette, déchiré par les ongles du peuple,
domine la ville au nord (1), le coup-d'œil est magique à celte
heure. Quand s'allument tous les caramentrants à la fois, les
maisons se perdent tout à coup dans des nuages de fumée

   (1) C'est à Jacques de Chevrières, lieutenant-général du Lyonnais, que
 ce château a dû ses fortifications dont il n'y a plus de restes. On lit dans un
manuscrit attribué à Gaspard de Chevrières, comte et archidiacre de Saint-
Jean de Lyon, le même qui a achevé l'hôtel de Chevrières où siège le tribu-
nal. «Jacques acquit une si grande autorité dans le Lyonnais, que le duc de
Nemours, qui en était gouverneur en chef, en conçut de la jalousie, et, l'ayant
envoyé quérir à Lyon, sous de beaux prétextes, il le mit prisonnier dans
Pierre-Scize, et l'y tint environ trois semaines, jnsqu'à ce que la noblesse du
pays pria le duc de lui rendre la liberté et de le réquérir d'amitié.
    « Etant sorti, il fit achever, pour la sûreté de sa famille, les bastions du
château de Saint-Chamond que son beau-père Christophe avait commencés,
et y mettre dedans un canon de batterie et plusieurs pièces de campagne,
afin que ses envieux n'eussent aucun prétexte de lui donner et aux siens à
l'avenir aucun déplaisir.
    « Il obtint du roi Henri IV, quelque temps après qu'il se fut rangé à son
service, des lettres données au camp d'Amiens par lesquelles sa majesté dé-
clarait qu'elle voulait et entendait que le Sr de Chevrières et les siens jouis-
sent à jamais pleinement et paisiblement sans en pouvoir être recherchés,
dts bastions et canons ci-devant dits dérogeant en cet endroit aux ordonnan-
ces de son royaume qui défendaient à tous seigneurs de quelque qualité qu'ils
soient de pouvoir tenir en leurs maisons aueun flanc couvert ni aucune bat-
terie.»