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175 Dire du mal de soi plus qu'on n'en pense ailleurs, C'est donner sans raison l'avantage aux railleurs. A vous croire, on pourrait à peine en notre ville Trouver assez d'esprit pour faire un vaudeville ; Lyon ne peut offrir une lice aux auteurs, Un répertoire usé languit sans spectateurs ; Mais cet art dont Rachel est la noble espérance Va partout à sa voix se réveiller en France ; La France est revenue à tout ce qu'elle aima : Nous avons vu Ligier, disciple de Talma, Au bruit de nos bravos, sur notre double scène, Rajeunir parmi nous la vieille Melpomène. Qui répandait des pleurs à ces tableaux touchants ?.. Qui venait l'applaudir, l'admirer?.... des marchands ! Hier, un professeur obscur, sans auditoire, Préparait des enfants aux leçons de l'histoire; Aujourd'hui de Guizot éloquent héritier, Il voit, à ses leçons, courir un peuple entier ; Mais quel est, dites-moi, ce peuple qui l'écoute ? Le peuple de Paris, tous gens d'esprit, sans doute, Public enthousiaste, aux sublimes penchants.... Non ; cesflotsd'auditeurs sont encor des marchands ! Au goût des arts partout le commerce s'allie ; Evoquons les beaux jours de la vieille Italie... Ses princes si vantés, ces citoyens si grands, Ces nobles Médicis qu'étaient-ils? des marchands ! Florence leur a dû son lustre et sa fortune. En France, tout concourt à la gloire commune. Chaque cité jadis avait ses mœurs, ses lois , Ses petits souverains et ses petits exploits ; Chaque bourg, que paraît la couronne ducale , S'en tenait fièrement à sa gloire locale ; Sans réclamer sa part d'esprit et de talent, Chaque ville aujourd'hui prend un essor brillant , S'oublie en s'illustrant dans la même espérance, Et n'a plus désormais d'orgueil que pour la France !