page suivante »
106 les talents exceptionnels qui surgissent. C'est à ce dénuement que vous devrez bientôt, si l'on y prend garde, la ruine des théâtres lyriques (l).Vos chœurs, quand ils exécutent les grandes partitions de nos compositeurs, sont insupportables et excitent le rire ou l'impa- tience des auditeurs ; cependant les belles voix et l'organisation favorable au développement de l'art musical existent autour de vous: il ne s'agit que de les diriger et de les pousser dans de bons principes élémentaires, en rendant l'instruction musicale gratuite et publique, comme celle du dessin qui a élevé si rapidement votre ville au rang des premières villes manufacturières et artistiques. S'il est un fait unanimement reconnu à Lyon, c'est que l'art mu- sical y est en grande vénération, et dans la voie d'un progrès remar- quable. L'accueil le plus cordial et la plus gracieuse hospitalité lui sont réservé chez toutes les familles. Dans toutes les délicieuses soirées d'hiver, la musique est devenue le principal ornement. Point de fêtes remarquables, point de plaisirs sans qu'elle n'y préside ; la danse elle-même languit aujourd'hui si elle n'a pas un orchestre com- plet : d'où viennent donc cette indifférence et cet égoïsme qui nous font méconnaître et abandonner ainsi, sans aucune impulsion ni en- couragement, cet art que l'on recherche avec tant d'empressement? Pourquoi donc vous tous, ses heureux tributaires, ne pas lui élever, à vos frais, un temple dans lequel les œuvres des grands composi- teurs , qui vous sont inconnues, pourraient être exécutées religieu- sement, et deviendraient la source de nouvelles sensations et de nou- velles jouissances. Que de conquêtes pour vos sens, blasés des solos et des variations interminables sur un thème connu, programme ordinaire et invariable de vos concerts publics ou particuliers ! Pourquoi ne pas fonder un institut où l'on adopterait l'enseignement (1) M. Lecomte l'avait bien pressenti, car au moment où il quitta nos théâtres il songeait à élever un conservatoire de musique, pour y former tout à la fois des chœurs et des sujets. Directeur, il eût fait ce que lui, premier ténor, n'eût jamais tenté. C'est, en effet, le seul moyen à employer pour faire tomber, chez nos premiers chanteurs, des prétentions aussi exagérées que ridicules, aussi ruineuses pour un directeur que fatales à l'art lui-même. Que M. Provence ne se met-il à la tête d'une semblable institution 1